Cela fait un an. Jour pour Jour.
Un an de quoi ? De mariage ? Ah. Si seulement. Si c'était le cas, vous en seriez heureux, tes parents et toi.
Non. Cela fait un an. Jour pour Jour. Un an de deuil.

Aujourd'hui est une date inoubliable. Celle d'une grande perte. La première de ta vie. Celle de ta sœur aînée...
Ah... Tanja... Comme elle pouvait te manquer... Le jour de son décès, tu avais perdu une sœur, un modèle, un exemple, une part de toi-même... Tu avais perdu bien trop. Beaucoup trop pour une enfant...

Mais le monde s'avère cruel. Si cruel. Cruel pour toi, ta famille, tes voisins... Pour l’humanité entière ! Et ce, à cause d'une race supérieure, la race supérieure... Les titans. Les titans, ces êtres ayant raison sur l'homme. Ces êtres ayant eu raison sur ton aînée...

Agrippée fermement au bras de ta mère, car oui, tu es toujours "dans ses jupes", tu avances, à son rythme, vers votre destination du jour. Le temple, le mémorial, l'église... Il y avait plusieurs façons de nommer les lieux. Toi, tu nommais, depuis toujours, ça "l'endroit saint".
L'endroit saint, car seuls les croyants si rendent. On y prie, on y parle de l'au-delà, de comment s'y préparer. On y vante ses merveilles, le paradis. On y vénère les trois murs, nos protecteurs âgés d'un siècle... Tout un tas de choses complexes pour les enfants. Enfin, pour les adultes aussi, des fois.
Tout un tas de choses que l'on ne peut pas vérifier, que l'on ne peut pas dire avec certitude "c'est vrai" "Ça ne l'est pas."
Tout un tas de choses qui offrent une once d'espoir, une poignée de rêves...
Tout un tas de choses qui, depuis ton plus jeune âge, fait partie de ton quotidien.

En effet, tes parents, comme tous les autres nobles, sont d'une foi impénétrable. Ce sont des croyants purs et durs ! Et, de ce fait, la religion fait partie intégrante de ta vie. Bien que, tu devais l'avouer, les longs discours avaient un don inné pour t’assommer plus que te captiver !
Mais bon, c'est pour ta sœur. Tu ne peux que faire des efforts, pour elle, en sa mémoire.

Un homme barbu arriva.
Tu présumes qu'il est à la charge de la paroisse. Bizarrement, c'était souvent des vieux monsieur barbus et pleins de sagesse qui étaient maîtres des lieux !

Puis, un autre homme entra dans la salle. Mais lui, il n'est ni vieux, ni barbu. Contrairement au premier dont les cheveux sont teintés poivre et sel, les siens sont d'un blond vivace.

Timidement, tu les salues, après que ta mère t'ait lancé un regard insistant.

- Bonjour ...

Comme à ton habitude tu fais partie des premiers arrivés. La ponctualité est une notion importante pour toi, si bien que tu tâches d'être toujours présent avec quelques minutes d'avances. Et puis cela te permet de voir les autres arriver, d'écouter ce qui se dit dernièrement, de discuter avec certaines personnes. Si ton statut est inné de par ta naissance, c'est une chose que tout noble se doit de maintenir. le jeu des relations sociales prend place dans tous les domaines, même lorsqu'il s'agit du culte. Car si tous sont acceptés en son sein, personne ne se leurre sur la majorité sociale de ses membres. Il y a plus de personnes de la noblesse et de la haute bourgeoisie que de gens du peuple. Pour preuve, votre lieu de prière principal se trouve dans l'enceinte de Sina, même si vous avez quelques petites chapelles dans les districts des autres murs. Mais leur fréquentation n'est pas des plus fortes.

Arrivé en premier à l'exception du pasteur qui conduira l'office, tu l'accompagnes afin d'accueillir la famille pour qui vous prierez aujourd'hui. Un couple et leur petite fille. D'après ce que tu as compris la petite était plutôt proche de son ainée, sa perte n'a pas du être facile, bien qu'une perte ne soit jamais facile en fait. Tu salues la famille, observant avec un sourire cette petite fille accrochée aux jupons de sa mère. L'enfant semble être timide, et ne vous dit bonjour que suite à un regard de sa mère. C'est dans ces moments que tu te dis que tu aurais aimé avoir un petit frère ou une petite soeur. Etre enfant unique peut se révéler être fort ennuyeux parfois... Une pulsion soudaine te fait t'avancer d'un pas vers la famille Ackerblum.

« Si vous le désirez je peux faire visiter la chapelle à Antje? Le temps que les préparatifs pour la messe se terminent. »

Avec un sourire tu te met à genoux devant la jeune demoiselle, tout comme un gentleman ferait.

« Avec votre permission bien sur, jeune demoiselle. »

Même si tu n'as pas de frère et soeur tu n'es pas non plus complètement incompétent avec les enfants. Il faut aussi dire que la plupart des enfants de la noblesses sont élevés dans le même moule, même si quelques rares se détachent du lot. Une famille de bonne réputation comme les Ackerblum n'a pu que fournir une bonne éducation à leurs filles. Toujours à genoux et voyant l'hésitation de la petite tu lui tends la main.

« Si vous le permettez je serai votre serviteur pour la journée, ma dame. »

Tu espères ainsi pouvoir changer les idées de la petite avant la messe qui aura lieu. La journée risque d'être pesante pour une si jeune fille, alors tu vas faire de ton mieux pour qu'elle ne sois pas placée uniquement sous le signe du chagrin.

Tu ne sais pas exactement pourquoi, mais, tu te montrais d'une timidité déconcertante aujourd'hui. Probablement à cause des circonstances pour lesquelles tu te trouves au sein de cette chapelle ? Après tout, la commémoration d'une mort, celle d'un être très proche qui plus est, n'était pas le moment propice pour jouer les grandes bavardes...

Ton regard semble, depuis ton arrivée, cloué au sol. Tu ne faisais que contempler tes petits pieds chaussés dans leurs petites ballerines depuis quelques minutes déjà. Et lorsque tu relevas légèrement la tête, le jeune homme blond platiné t'offrit un merveilleux sourire.
Un sourire doux, chaleureux, d'où paraît émaner une compassion et une bonté sans égal.

Se mettant à ta hauteur -c'est à dire à ras du sol...-, le garçon, qui devait être un assistant, fit une proposition à tes parents. Celle de te faire la visite du propriétaire le temps que les préparatifs ne s'achèvent. En espérant que cela puisse, en même temps, te soulager quelques instants du lourd poids que devait s'avérer être le décès de Tanja.

« Avec votre permission bien sûr, jeune demoiselle. »

Tu es prise d'hésitations. Tu n'as rien à perdre à le suivre, d'autant plus que cela t'occuperait un peu... Mais d'un autre côté, tu redoutes ta décision auprès de tes parents. Et s'ils trouvaient cela... Irrespectueux ? Ou qu'en savais-tu d'autre ?

Tes yeux font des allers et retours. Se posant sur la main que te tend le gentleman, puis tes parents, et de nouveau, la main...

Une légère pression sur le haut de ton crâne sert de réponse. C'est ton père qui vient de te caresser les cheveux, comme pour traduire "C'est bon".

Un fin sourire se dessine sur tes lèvres. D'un regard, tu le remercies et lâche le pan de robe de ta mère afin de venir agripper la main du jeune homme.

- Avec plaisir. Hum... Monsieur ?...

Ton intonation est interrogative. En effet, bien que l'homme connaisse ton nom, ce n'était le cas pour toi. À moins que ta mémoire ne te joue défauts, tu ne te souviens point avoir déjà ouï le nom du blond. Bien que ce dernier soit toujours présent au sein de l'église lorsque tu y venais comme en ce jour.