Ariane arpentait le district de Stoless avec une rage froide.
Gabriel avait osé la faire revenir pour le banquet annuel que donnait leurs parents. En tant que fille unique, c'était son devoir et si elle rencontrait des héritiers fortunés, cela ferait une pierre deux coups. L'aîné avait été désolé d'arracher sa petite sœur de Trost mais c'était nécessaire. Inutile de provoquer davantage la colère de leurs parents...

Étriquée dans une robe dites « de bal » la blonde marmonnait des menaces de mort à l'encontre de tous ceux qui se retournaient sur son passage. Pour l'occasion, ses cheveux avait été rassemblés en un immense chignon qui tenait sur son crâne avec une dizaines d'épingles. Ses mèches torsadées donnaient encore plus de volume et comme si tout cela ne suffisait pas, des petites perles améthystes parsemaient la blondeur foncée de sa tête.

La robe en soi était franchement sympa à porter. Ni trop courte, ni trop longue. Elle permettait une bonne aisance au niveau des jambes et grâce à cela Ariane traçait dans la ville. Elle voulait rentrer chez elle, enlever cet fichu morceau de tissu, retrouver sa tenue habituelle et repartir vers le QG des brigades. Une pièce dans la main d'un valet véreux et la jeune noble était assurée que son cheval attendait sagement, correctement préparé pour ce nouveau voyage.

Adrien, le cadet, avait réussi l'exploit de ne pas assister à ce repas ô combien ennuyant. Ariane avait eu l'impression d'être un rat mort et les quelques téméraires masculins s'étaient vu se casser les dents et leurs espoirs s'envoler devant la froideur de la jeune héritière. Non, c'était pire, ça n'avait été que de l'ignorance pure. Elle avait fait l'effort surhumain d'engager de temps en temps la conversation avec quelques têtes bien placées qui pouvaient surtout aider Gabriel, l'aîné et futur chef incontesté des Gott. Les jeunes en quête d'une demoiselle à l'héritage bien fourni n'étaient qu'un ensemble d'atomes prenant inutilement de l'espace et de l'oxygène. Quant aux femmes, Ariane ne se prononçait  pas dessus, elle ne les supportait pas non plus. Toujours à jacasser, à se plaindre ou à minauder. Elles avaient constamment besoin d'aide, incapable de faire preuve de jugeote et de se débrouiller seules.
Ah, elle était belle la noblesse de Sina. Quel respect était-on censé donner à des être comme eux ? Ariane comme tous les autres ne servaient que leurs intérêts, utilisant et manipulant avec adresse et fourberie.

Ses chaussures raclèrent le sol un instant et Ariane s'arrêta le temps de déloger un caillou. En reprenant sa route, on percuta son épaule et elle se retourna, furieuse :

« Et pardon, c'est pour les chiens ?! »

Langage ô combien noble venant d'une demoiselle fort bien vêtu, n'est-ce pas ?

Stohess, ses quartiers propres vides de tout mendiants et prostituées, pas une seule taverne miteuse et son lot d'ivrognes. Ici, que des bourgeois ou des nobles vivants dans le rêve, loin des Titans et des famines à répétition. Quoique, un Titan se promenait actuellement parmi eux, du moins un shifter. Un homme à la peau sombre, aux cheveux noirs sales, torse nu, tatoué, avec un équipement tridimensionnel, tenant un cheval brun sans selle par la bride. Il se dirigeait vers le mur Rose. Arn rentrait de mission. Le mercenaire avait eu à assassiner un noble dans le cadre d'un contrat. Arn détestait les noble tout autant que les trafiquants d'êtres humains. Le mercenaire prenait un grand plaisir à les voir périr sous sa lame.

Le shifter sortit une pomme qu'il avait pris avec d'autres aliments dans la réserve de sa victime. Il ne put s'empêcher de rager en voyant un domestique jeter plein de nourriture encore comestible. Sûrement un banquet, et tout ça pendant que d'autres mouraient de faim. A Rose, dans les souterrains, le mercenaire croisait régulièrement des gens mourant de faim. Et Arn avait fait parti de ces gens là, peu de temps après son injection.

Le mercenaire subissait les critiques des gens de Stohess visiblement peu habitué à voir des gens de la plèbe, surtout originaires des souterrains ou des quartiers pauvres au sein des ville du mur Rose. A Sina, c'est bien simple, il n'y avait pas un seul pauvre. Les habitants de Sina n'étaient pas au courant de ce qui se tramait en dehors des murs. Arn fut interpellé par des femmes de bonne famille le regardant d'un air hautain et ne purent s'empêcher de faire des remarques désobligeantes sur le mercenaire. Arn leur lança un regard noir. Si il le pouvait, il sortirait le Titan et elles feraient moins les fières ces pintades.

"Vos gueules les grognasses !"

Le shifter ne put s'empêcher de rire en voyant leurs airs outrés tellement surjoués. Arn trouvait ces gens d'un ridicule avec leurs soi disant bonnes manières. De toute manière, ces gens vivaient dans un rêve, ils avaient peu de connaissances vis à vis du monde extérieur, du moins, ils jugeaient que ça ne les concernaient pas. Occupé à regarder les pintades outrées, le shifter ne fit pas attention à ce qui se passait devant lui et percuta une personne.

"Et pardon, c'est pour les chiens ?!"

Le shifter se retourna, il fut surpris par le langage inhabituel de cette personne qui semblait pourtant d'origine noble. Il regarda la personne d'un air sombre. Il lui répondit d'un air moqueur et ennuyé.

"Ah oui ! Désolé d'avoir osé vous rentrer dedans."

Le shifter n'en avait pas fini avec cette femme. En effet, il recherchait un bar qui offrait des consommations à un prix abordable. Car les bars dans Sina vendaient la bière à un prix qui surprenait le shifter. Elle devait être de très bonne qualité pour coûter aussi cher. Arn parla à la personne toujours sur un ton ironique.

"Ah, au fait, vous connaissez un bar qui vendrait de la bière pour pas trop cher, quoique j'oubliais que la vie était si chère ici. Les bars du coin ne sont pas pour des gens comme moi !"

Ariane fixait le garçon avec ses yeux bruns rougeâtres.
Une moue plissée mélangeant le dégoût et l'énervement tordit un peu son visage. Sa peau sale et ses tatouages lui donnaient l'impression d'être un homme lamda, ce que détestait la blonde. Son regard se posa néanmoins sur l'équipement tridimensionnel à ses hanches. Était-il un soldat ? Ça étonnait Ariane : il avait surtout l'air d'un mendiant en quête d'une petite pièce pour survivre un jour de plus.

Mais surtout c'était son regard. Cet espèce de … chose avec une apparence humaine la regardait comme si elle n'était qu'une moins que rien. Et ça, Ariane ne le supportait pas. Sa fierté était une chose dont elle ne pouvait pas se passer. Elle avait beau être une femme, elle voulait du respect. Qu'on ne la sous-estime pas !

Lâchant sa robe qui redescendit sous ses chevilles, cachant partiellement ses bottines à talons qu'elle avait dû enfiler pour l'occasion, la noble croisa les bras sous sa poitrine. Ses bracelets tintèrent un peu et une mèche blonde s'échappa de son chignon pourtant douloureusement retenu par les épingles. Elle fit un petit mouvement de tête et reprit sa contemplation. Les excuses de l'inconnu avaient un goût amer de mensonges et suintaient l'ironie. Les yeux bruns se plissèrent tandis qu'elle luttait pour ne pas envoyer bouler cet espèce de rat miteux qui lui prenait inutilement du temps.

Quand il lui demanda si elle ne connaissait pas un bar pas trop cher, la noble faillit s'étouffer. Jamais, elle n'oserait mettre les pieds dans des foutoirs pareils ! En tant que digne héritière, elle n'entrerait jamais dans de tels bâtiments où l'alcool coulait à flot, rendant fou n'importe quel homme. Sina aussi avait ses ivrognes. Et la plupart étaient bel et bien des nobles assez haut placé qui abusaient un peu trop des bonnes choses.

« Je ne peux vous renseigner, je n'ai pas pour habitude de m'intéresser à ce genre d'endroit. Cependant... »

Fermant un œil pour mieux observer l'étrange énergumène en face d'elle, Ariane finit par cracher le morceau.

« Aucun bar de Sina ne peut être dans vos moyens, quels qui soient. Vous feriez mieux de retourner de là où vous venez avant que la garde ne vous arrête, pensant que vous avez volé cet équipement. »

Et si ça se trouvait, il avait bien détroussé un pauvre soldat et comptait se faire salement de l'argent.
La blonde massa son épaule, commençant à la sentir douloureuse. Elle lança un regard furieux au basané devant elle, espérant qu'il n'allait pas la retenir plus longtemps. Elle n'était pas spécialement effrayée mais elle se sentait vulnérable dans cette robe. Et puis les talons, aussi petits soient-ils n'étaient pas super pour courir.

Le shifter observait la noble. Avec une robe pareille, pas de doute, elle était du coin. Elle ne semblait pas apprécier qu'Arn la traite à son égal. De toutes manières, le shifter, de la hierarchie, il n'en avait rien à faire.

"Je ne peux vous renseigner, je n'ai pas pour habitude de m'intéresser à ce genre d'endroit. Cependant..."

Le mercenaire attendait la réponse avant de tourner les talons pour rejoindre la sortie du district. Mais son interlocutrice n'en avait pas fini avec lui.

"Aucun bar de Sina ne peut être dans vos moyens, quels qui soient. Vous feriez mieux de retourner de là où vous venez avant que la garde ne vous arrête, pensant que vous avez volé cet équipement."

Le shifter la regarda et lui répondit comme il répondait normalement aux gens étant donné qu'il n'en avait rien à faire de la hiérarchie.

"Merci de l'info, bon c'est pas tout ça mais je dois y aller, tu ne dois pas apprécier qu'un merdeux te traites à son égal, tout simplement car selon lui, tous les êtres humains sont égaux."

Arn allait s'en aller quand son attention fut retenue par son cheval. En effet, cet animal avait décidé d'attraper la robe de la demoiselle. Le shifter s'énerva et couru dégager le morceau de robe de la mâchoire de sa monture. Une fois l'opération faite, Le cheval avait réussi à arracher un morceau de robe. Mais le morceau en question n'était pas bien gros et situé sur le bas.

"Tss, t'as pas fini tes conneries le canasson ?! Cette fois, même pas la peine de demander le Titan, même quand on sera à Rose en forêt !"

Il continua à parler à son cheval et regarda dans la direction de la noble tout en adoptant un ton ironique.

"Encore, ça va tu n'as pas trop fait de dégâts, et puis après tout ce n'est qu'une robe. Ah oui, c'est vrai, chez ces gens là, une robe a bien plus de valeur que les vies d'autres êtres humains. Même si, après tout, ce sont des êtres humains comme eux."

Arn avait toujours travaillé à son compte, n'avait jamais eu de supérieurs, c'était un marginal qui avait peu d'égard envers la hierarchie. Il se tourna de nouveau vers la noble.

"Pour ce qui est des Brigades, pas de soucis, ces sacs sont trop occupés à vider des bouteilles d'alcool, et puis ils ont autre chose à faire qu'à vérifier si le confort des nobles n'est pas perturbé par des merdeux de mon genre avec équipement ou pas. Et puis si ils osent m'embêter, j'ai une petite surprise pour eux."

Le regard de cet inconnu perturbait Ariane.
L'impression désagréable d'être jaugée comme le serait n'importe quel objet s'insinuait en elle. Elle avait envie de remettre ce mal-propre à sa place vertement mais pour l'instant, il n'avait vraiment rien fait qui puisse témoigner d'un mauvais comportement. Elle savait que juger sur les apparences n'étaient pas du tout une bonne chose mais ça servait quand même de première impression.

Mais il fallait qu'elle reconnaisse qu'il avait quand même la politesse de l'écouter jusqu'au bout. Malgré la déception certaine de ne pas avoir d'adresse pour de la bière, il ne bougeait pas, son cheval toujours à la main. Et quelle cheval d'ailleurs ! Malgré l'aspect désastreux de l'humain, la bête semblait bien entretenue et en bonne santé.

Oubliant toutes les façons polies de s'adresser à une noble, il lui répondit clairement le fond de sa pensée. Ariane haussa un sourcil, stupéfaite qu'on ose s'adresser à elle avec un tel ton ! Quoi la robe n'était pas si représentative de sa position hiérarchique ? Les minuscules diamants qui ornaient sa taille à droite pour redescendre en cascade jusqu'à sa cheville gauche ne semblaient pas indiquer à quel point elle avait dû coûter cher ? Et la pluie de mini améthystes ? Le collier n'était pas assez voyant ? D'ailleurs quelle idée de la mettre dans une robe avec une couleur pareil ?! Autant, ça allait avec ses cheveux, autant les yeux presque rouges aurait davantage ressortit avec un rubis, même s'il était minuscule !

Muette, elle regarda d'ailleurs un morceau de cette robe disparaître dans la bouche du cheval. Son propriétaire se précipita mais il n'empêchait que désormais, sa cheville et une partie de son mollet étaient visibles. Suffisamment pour se rendre compte qu'elle ne portait pas l'espèce de pantalon hideux auquel les nobles dames de Sina attachaient tant d'importance.

Le garçon fit un commentaire assez désagréable ensuite. Comment comparé une vie humaine à une robe ? Elle avait beau avoir eu une cuillère en or dans la bouche, Ariane savait que ce qu'elle avait, c'était l’œuvre d'autres personnes. Que le repas dans son assiette était préparé par d'autres. Et non content d'affirmer ça, le garçon en face éveilla sa curiosité avec sa dernière phrase.

Une surprise ? Se rappelant l'allusion à un Titan, Ariane s'approcha un peu, pas vraiment préoccupée par sa robe. Elle en avait d'autres. Et puis, elle lui avait été envoyée par son père, encore une raison de ne pas beaucoup l'apprécier.

« Tu n'as pas volé cet équipement alors ? »

Après, il n'y allait avoir que sa promesse mais elle tenait peut-être l'occasion de filer discrètement de Sina. Sans que Gabriel l'apprenne immédiatement bien sûr. Parce que si les gens apprenaient que la descendante des premiers dingues qui vénéraient ces murs fuyait la capitale en compagnie d'un garçon à la peau étrangement sombre et à la bouche désagréable, c'était son père qui viendrait la chercher. Et elle espérait éviter de rencontrer encore cet immonde personne.

« Je te propose d'oublier ce que ton cheval vient de faire en échange d'un service. »

"Tu n'as pas volé cet équipement alors ?"

Le shifter jeta un oeil sur son équipement. Arn avait beau être négligé sur lui, il prenait cependant grand soin de son cheval, son équipement tridimensionnel et du harnais à Titan. Une grande partie de son argent était dépensé dans l'entretien de tout de matériel et du cheval, le reste partait souvent dans le loyer et la consommation d'alcool. Arn savait que peu de gens de son rang avaient leur propre cheval, en conséquent, le shifter en prenait grand soin. Arn n'avait pas de selle, étant donné le prix que ça coûtait. Le mercenaire jugeait que c'était déjà bien d'avoir un cheval. L'animal en question n'était pas de la même race que les chevaux des Bataillons, c'était un poney trapu à la robe brun sombre et la crinière en brosse, le dos parcouru par une raie de mulet. Si il était moins rapide que les chevaux du Bataillon, il était plus robuste et tout aussi endurant.

"Non, acheté ! Une bonne partie de ma paye est partie dedans. Et pour le cheval, c'est quelqu'un qui m'est cher qui me l'a offert. Même si il a un sale caractère, j'y tiens !"

Arn allait retourner à ses occupations quand la personne l'interpella de nouveau.

"Je te propose d'oublier ce que ton cheval vient de faire en échange d'un service."

Le shifter se retourna et s'approcha de la personne d'un air intéressé. Une bonne occasion de se faire un peu d'argent. Rien qu'a sa robe, cette personne devait être fortunée. Le shifter affichait un air songeur se grattant la barbe.

"Pourquoi pas, à condition que ça soit bien payé. Et je pense que tu dois en avoir les moyens. Et tout dépend aussi de la nature de la demande..."

Arn repensa à son loyer d'autant qu'il avait du retard pour le paiement. Une chambre en auberge à Trost, même si l'auberge en question était plutôt modeste, le prix restait élevé. Arn comptait d'ailleurs un jour déménager afin d'aller dans une ville plus au coeur de Rose pour avoir une distance égale entre Maria et Sina, les endroits où ses contrats étaient les plus fréquents, que ça soit de l'abattage de Titans à Maria, ou des assassinats de nobles à Sina. Si ce n'était pas ces types de contrats, c'était de l'escorte de convois de contrebande pour le marché noir. Arn détestait avoir des supérieurs, des gens se croyant au dessus de lui. L'avantage d'être mercenaire indépendant, c'est que les clients étaient égaux au mercenaire.

Il était clair que ce garçon tenait à son cheval. Remontant considérablement dans l'estime d'Ariane, le garçon lui parut tout de suite plus acceptable. Beaucoup considéraient ces animaux comme de vulgaires bêtes, oubliant facilement que dans l'enceinte des Murs, voire même au dehors, c'étaient les chevaux qui permettaient d'épargner une certaine distance à pied ainsi que quelques heures de longs trajets.
La noble aussi avait son propre « canasson » pour reprendre le terme précédemment employé. Un hongre alezan très sensible au contact. Autant dire qu'une fois dessus, Ariane ne s'amusait pas à faire n'importe quoi. Elle se considérait comme une cavalière avec un bon niveau mais ne tentons pas le diable. C'était le premier cadeau de son père. Et avec cette robe, ça montait à deux. Chouchoutée la petite fille, n'est-ce pas ? Elle adorait son cheval en attendant et avait beaucoup de plaisir à en prendre soin.

Cependant, Ariane ne savait pas que le matériel principal des Brigades s'achetait. Dans un quelconque coin de rues à l'abri des regards sans doute. Volé sur un pauvre soldat qui avait goûté trop tôt à la mort... Faudrait qu'elle arrête d'être aussi négative avec lui. S'il acceptait sa requête, elle n'allait pas passer le trajet à le regarder, prête à bondir dès qu'il ouvrirait la bouche. Mine de rien, y'avait du trajet jusqu'au QG !

Au moins, elle avait attiré son attention ! L'inconnu se tourna vers elle, assez intéressé et se gratta sa barbe en scrutant sa robe. Ouais, elle avait les moyens. Assez d'argent pour les payer à vie la meilleure bière de Sina. Mais la demoiselle espérait pouvoir faire une meilleure utilisation de son argent. Par contre...

« Je suis Ariane de la famille Gott. Et toi ? »

Avant de proposer quoi que ce soit, elle tenait à lui rappeler où était sa place. Si les négociations devaient se faire, autant lui faire comprendre qu'elle n'était pas prête du tout  débourser quelque chose. C'était là tout le principe d'un « service » après tout.

Maintenant que les présentations étaient faites, elle avança d'un pas vers le désormais moins inconnu et lança :

« Qu'une chose soit claire, je refuse de te donner quoi que ce soit ! Considères ça comme un juste retour après que ton cheval ait légèrement goûté ma robe. »

Elle planta ses yeux dans les siens, appréciant difficilement la différence de taille. Se doutant malgré tout qu'il y avait une chance pour qu'il refuse, la noble héritière accepta de faire un petit geste. La blonde pointa une échoppe de très bonne qualité et proposa :

« Par contre, j'accepte de te payer une bière dans cet endroit. C'est à prendre ou à laisser. »

Les dés étaient jetés. Inutile de dire qu'elle avait sérieusement besoin qu'il accepte.

"Je suis Ariane de la famille Gott. Et toi ?"

Par politesse, le shifter se présenta à son tour.

"Mon nom est Arunja Khan, mais appelle moi Arn !"

Après présentations faites, le shifter attendait la réponse de son interlocutrice et la nature du service qu'elle lui demandait. Si il comptait se faire de l'argent, c'était une belle occasion qui se présentait. La personne s'avança vers Arn.

"Qu'une chose soit claire, je refuse de te donner quoi que ce soit ! Considères ça comme un juste retour après que ton cheval ait légèrement goûté ma robe."

Le shifter restait bouche bée devant la jeune femme. Arn ne supportait pas qu'on ne le paye pas. D'autant que cette femme voulait lui demander un service, et en tant que mercenaire, Arn ne supportait pas qu'on ne veuille pas le payer. Il avait l'impression qu'on se moquait de lui.

"Quoi ?! Ne pas me payer ?! Primo, ce n'est pas de ma faute si ce canasson a eu l'idée de génie de manger cette ... robe. Secondo, je suis mercenaire et mes services sont payants, surtout si vous demandez de vous escortez pendant un long trajet, d'aller assassiner un noble ou encore de tuer du Titan hors des murs. Eh, j'ai du matos à entretenir, et faut bien que le cheval et moi on puisse se nourrir."

Le shifter tourna les talons pour retourner à Rose. Il fit signe à sa monture qu'ils devaient y aller.

"Allez viens, on a assez perdu de temps avec un potentiel mauvais payeur."

Mais la personne ne semblait pas en avoir fini puis lui montra un bar.

"Par contre, j'accepte de te payer une bière dans cet endroit. C'est à prendre ou à laisser."

Le shifter était alléché par l'offre, mais la raison triompha de ses instincts. Elle le prenait pour qui celle-là?

"Si tu comptes m'acheter avec ça, c'est même pas la peine ! C'est pas une petite pinte hors de prix qui va me faire vivre, même si tu me la payes. Et je ne plaisante pas avec les mauvais payeurs quelque soit leur rang. Donc, dis ton service et je dis mes prix."

Arn restait méfiant. Il sentait que cette demoiselle n'était pas vraiment motivée à le payer. De toute manière, le shifter ne lâcherait pas l'affaire aussi facilement. Arn connaissait le sort des gens qui osait ne pas le payer. Curieusement, ils étaient tout de suite plus dociles quand un Titan de 10m leur demander la paye.

Il y avait maintenant un nom sur ce visage inconnu. « Arn » avait vraiment tout du mercenaire, le sourire effrayant de l'emploi placardé sur son visage hâlé. S'obligeant à rester là où elle était à ne pas reculer, Ariane garda son sourcils bien froncés. Elle était sérieusement décidé à l'avoir à l'usure. L'important était de ne pas trop pousser et de le faire partir. Elle avait sérieusement besoin d'une petite escorte et ce Arn était suffisamment effrayant pour deux ou trois hommes normaux.

Sa petite crise sur les besoins de son cheval et de sa propre personne ne l'avait pas spécialement touché. Elle reconnaissait qu'il n'avait pas tord mais l'avouer tout haut était impossible pour elle. Fierté féminine que diable !
Par contre... Si le mercenaire avait pour habitude de tuer des nobles, elle avait intérêt à faire très attention. Il ne semblait pas le genre à attaquer quelqu'un subitement, quoique... Ils ne se connaissaient pas, la demoiselle ne pouvait pas juger. Si elle tentait de lui faire un coup tordu, il était possible qu'elle rejoigne ses grands-parents assez prématurément. L'offre n'était pas vraiment tentante.

L'appel de la bière semblait l'avoir un peu alléché mais apparemment, ce Arn avait une certaine conscience. Dommage, Ariane avait essayé. La blonde réfléchissait à un moyen de raquer le moins possible. Traverser le mur seule était inimaginable ! Le nombre de voleurs augmentait de jour en jour, elle n'allait pas risquer sa jolie petite vie comme ça. La garde de son frère était une bonne idée mais le hic, c'est que c'était la garde... de son frère. Pas question de lâcher l'héritier principal comme ça ! Et hors de question pour la noble de rester davantage près de ses parents. Ils avaient eu le culot d'essayer de la présenter en tant que bonne à marier, elle avait eu le culot de les rembarrer façon made in Ariane.  

La blonde émit un « Tss » d'énervement. Voilà le problème quand on traitait avec des misérables ! L'argent, toujours l'argent ! Alors oui, Ariane avait toujours eu ce qu'elle voulait, elle ne connaissait ni le froid ni la faim mais quand même ! L'idée de juste l'aider pour un simple trajet ne lui suffisait pas ? Ça ne devait pourtant pas être comme si cet homme craignait un quelconque bandit ! Il était effrayant juste à regarder !

« Dans ce cas... »

Purée, ça lui coûtait vraiment ! Demander quelque chose lui tordait le ventre. En plus, ses pieds lui faisaient monstrueusement mal. Le talon n'était pas spécialement haut mais la blonde avait l'habitude d'être à plat la plupart du temps. Ses orteils criaient à l'aide et elle mourrait d'envie d'enlever cette fichue robe et de remettre sa chemise et son pantalon. Une veste sur les épaules et basta ! Dénouer cet horrible chignon pour retrouver sa queue de cheval sur le côté et elle redevenait cette bonne petite Ariane. Là en robe, elle n'inspirait rien ! Rien qui ne l'arrange en tout cas.

« J'aurais besoin d'aller jusqu'au QG des Brigades... Combien ? »

Allez, qu'il annonce la somme ! Ariane avait pour but de la faire baisser à mort.

La noble ne semblait visiblement pas vraiment motivée à le payer, elle lui faisait un "Tss" d'un air hautain, le regardant de haut. Arn affichait toujours un air blasé. Visiblement, elle semblait avoir besoin de lui. En même temps, vu qu'elle insistait. Pour lui les nobles étaient aussi utiles que des plantes vertes. Bref, payés à rien faire mis à part se pavaner et gaspiller les maigres ressources des habitants des murs.

" Dans ce cas..."

Le shifter se tourna vers la jeune femme, en attendant, il avait commencé à la diriger tranquillement vers la sortie de Stohess. C'était son chemin pour retourner à Trost et à sa planque. Avant cela, il faisait un détour par la forêt afin de récupérer son harnais à Titan. Afin de diminuer les trajets, Arn utilisait le Titan, plus rapide. Il attendait la réponse, mais il ne se faisait pas trop d'espoirs.

"J'aurais besoin d'aller jusqu'au QG des Brigades... Combien ?"

Le shifter s'arrêta et invita la jeune femme à le suivre sur le chemin de la sortie. Il discuterait du contrat. Arn savait que ça serait le QG de Trost ça devait être probablement un long trajet. Ca tombait bien, c'était son chemin.

"Alors un aller pour le QG des Brigades de Rose. Voilà, ce que je te propose, un trajet express en passant par la forêt. Avec un moyen de transport rapide et discret. Par contre, c'est plus cher, mais vu que je dois faire un détour pour mes propres besoins, je t'offre tout le trajet de ce détour. Donc ... ça fera ... disons dans les 1000... Ce prix comporte, le transport, la prise de risque, les repas, le couchage, vu qu'on risque d'avoir deux jours de trajet. Honnêtement, je pense que pour une personne comme toi, ça ne dois pas être grand chose."

Et si cette Ariane comptait négocier à la baisse, le shifter ne se laisserait pas faire aussi facilement. C'est bien pour cela qu'il la poussait à le suivre hors de Sina. Il la mit tout de même en garde.

"Hey, fais gaffes, si tu comptes feinter pour ne pas avoir à payer, tu sais, j'ai un moyen qui rends les clients tout de suite plus coopératifs. A ma connaissance, aucun n'a refusé de me payer avec cette méthode."

Il se retourna, vers la jeune femme.

"Objections ?!, si ce n'est pas le cas, je t'invite à me suivre."

Ariane attendait son tarif, l’œil louchant sur le corps d'Arn. Il semblait capable de prendre soin de potentiels attaquants. Franchement, pour tout avouer, ce garçon l'énervait. Il avait cet aire blasé de celui qui savait qu'elle allait payer la somme qu'il allait annoncer et qui ne chercherait pas d'ennuis. La blonde avait bien envie de déchirer ce visage sûr de lui avec ses ongles. Voilà qui la détendrait ! Ah, non... il fallait qu'elle reste bien élevée. Autant montrer que certains nobles avaient quand même une certaine éducation en dehors de leurs comportements abjects les autres jours.

La demoiselle suivit le mercenaire. Ce n'étaient que quelques pas qui les dirigeaient vers la sortie de Sina. Le garçon réfléchissait et Ariane ne pouvait qu'attendre qu'il annonce le prix. Elle allait forcément avoir les moyens mais si elle considérait que c'était trop, il allait baisser, c'est clair d'avance. Au final, la somme fut dérisoire, si basse pour ce qu'ils risquaient qu'Ariane s'arrêta en haussant un sourcil. Il avait sacrément confiance en lui pour demander un prix qui pouvait paraître honteux à d'autres personnes. Grâce au Ciel ou juste à ses ancêtres, la blonde pouvait se dégoter une telle somme en un claquement de doigt.

La forêt était, en y réfléchissant bien, le meilleur trajet possible. Mais aussi celui où les pièges capturaient le mieux les voyageurs peu malin. Arn avait l'air d'avoir plusieurs tours dans son sac donc ça devrait aller de ce côté. Et si jamais, il lui arrivait quoi que ce soit, les frères Gott oubliaient leurs devoirs le temps d'une vengeance bien sentie. A moins que les possibles ravisseurs rendent Ariane plus vite que prévu tant elle serait impossible à supporter. La blonde n'était pas non plus difficile quant à la qualité des lieux où elle allait résider le temps du trajet. La belle étoile ne l'inspirait pas beaucoup mais à ce prix là, ça avait au moins intérêt à être un minimum confortable. Sinon Arn allait devoir supporter une petite noble drôlement mal lunée.

Elle acquiesça la tête à la fin de sa tirade, signe qu'elle en avait compris tous les aspects. Sa méthode de coopération l'intéressa beaucoup, elle espérait pouvoir voir ça de ses propres yeux. Tant que ce n'était pas elle de l'autre côté... La blonde s'arrêta net à la limite de la porte. Ses yeux bruns regardèrent son futur compagnon de route. Son esprit de négociation lui hurlait de faire baisser le prix mais honnêtement, elle n'en voyait pas l'intérêt. Ou plutôt, elle n'en avait pas envie.

« Tu as de la chance, je ne me sens pas la force de négocier ton prix. Le voyage a intérêt à être palpitant pour ce qu'il coûte. »

Ariane leva son poignet gauche et dénoua un bracelet de fines pierres précieuses et lui jeta.

« Tiens ! Considères que c'est une avance, j'ai pas vraiment de pièces sur moi pour l'instant. »

La blonde se retourna majestueusement et retourna en direction du centre-ville. Elle montra une espèce de petite boutique où s'entassait diverses tenues et bijoux :

« L'homme qui tient ça peut te l'échanger contre des pièces. Je vais me changer, hors de question que je me ballade en forêt en robe. »

"Tu as de la chance, je ne me sens pas la force de négocier ton prix. Le voyage a intérêt à être palpitant pour ce qu'il coûte."

Le mercenaire lui lança un sourire de défi.

"Crois, moi tu n'auras jamais l'occasion de refaire un tel voyage. Bon ok, ça risque de secouer pas mal, tu seras peut-être calée entre une cage de poulets et un tonneau, mais ça restera une expérience unique."

Les deux personnes étaient à la limite de l'enceinte de Sina. Là, la jeune femme s'arrêta net. Elle tendit un bracelet serti de pierres précieuses au mercenaire.

"Tiens ! Considères que c'est une avance, j'ai pas vraiment de pièces sur moi pour l'instant."

Le mercenaire regarda le bijou. Il pourrait s'en tirer au moins un mois de salaire et payer son retard dans son loyer, bien qu'il compte déménager. Quitte à vivre dans la planque chauffée au Titan et infestée de poulets. Au moins, pas de loyer à payer.

La jeune femme montra au shifter une échoppe de bijoux et vêtements.

"L'homme qui tient ça peut te l'échanger contre des pièces. Je vais me changer, hors de question que je me ballade en forêt en robe."

"Oui ça serait peut-être mieux et aussi plus discret, car ce machin c'est l'idéal pour s'attirer tous les bandits du coin, d'autant que j'ai des petits soucis avec certains gangs."

Sur ces paroles, le mercenaire entra dans la boutique laissant son cheval à l'entrée.

"Toi, ne t'avise pas de toucher  quoique ce soit ! Tu as déjà fait assez de conneries !"

Les négociations furent rapides, en même temps le type n'osa pas trop s'opposer au mercenaire armé. Arn sorti de l'échoppe avec une coquette somme d'argent qu'il enfourna rapidement dans sa poche. Il retrouva son cheval. Maintenant, ils devaient attendre la jeune noble avant de commencer à entamer leur voyage. Dans quelle tenue elle allait débarquer, le mercenaire espérait une tenue pas trop tape-à-l'oeil.

Abandonnant momentanément le mercenaire, Ariane repartit rapidement chez elle. La demeure des Gott était comme toutes les maisons de noble. Grande, haute et gardée par plusieurs gardes. D'un signe de tête, la blonde salua les deux hommes près de la porte qui s'empressèrent de lui ouvrir. Elle n'oubliait jamais la politesse mais là, elle était pressée. Un épais tapis étouffait le bruit de ses talons. Quelques employées nettoyaient ici et là, chacune s'inclinant respectueusement devant la dernière héritière qui traçait dans le hall.

L'escalier menait à un premier étage grandiose. Un salon décoré avec parcimonie, témoin des goûts discrets de Gabriel. Comme leurs parents venaient rarement ici, préférant l'autre demeure bien plus sécurisée à leurs yeux, les trois héritiers avaient entièrement redécoré l'endroit. Un piano dans un coin, beaucoup de bouquets de fleurs et le chat. Le.. gros chat qui dormait plus qu'autre chose. Allongé de tout son long sur le piano, profitant d'un rayon de soleil qui le réchauffait l'animal se fichait de tout et de tout le monde. Une porte latérale menait à la bibliothèque juste gigantesque. La fierté des Gott.

Le couloir menait aux différentes chambres. Celle d'Ariane était bleue et argent. Comme prévu, ses vêtements « normaux » attendaient sur le lit. Sans aide, la blonde retira cette fichue robe, prenant quand même le temps de tout faire défaire. Les bijoux volèrent avec plus de précipitation et la noble enfila sa chemise blanche et son pantalon sombre. Voilà qui était mieux. Avant de mettre sa veste assortie au pantalon, elle veilla également à glisser quelques armes par-ci par-là. Simple précaution. La tenue était assez passe-partout, si on exceptait les boutons en or. Mais comme elle entendit des bruits dans le couloir, Ariane décida de nouer ses cheveux plus tard.

Ouvrant très lentement la porte, elle attendit que quelques employés passent pour fuir en direction des cuisines au rez-de chaussée. Il faisait toujours très chaud ici et la femme qui gérait cet endroit préparait déjà le repas de ce soir. Il y en avait beaucoup puisqu'elle pensait encore que l'héritier en titre dînerait avec sa jeune sœur. Ariane était déçue de ne pas pouvoir partager ce moment avec Gabriel mais Sina l'étouffait déjà. Elle reviendrait quand ses parents seraient repartis.

Se glissant comme une ombre jusqu'à la porte qui menait à l'extérieur, Ariane fit le moins de bruit possible. Cette porte servait aux employés et de temps en temps, à la petite noble qui ne voulait pas de se faire remarquer. Glissant une de ses mèches derrière son oreille, Ariane grogna doucement : les cheveux détachés, c'était pas pratique. Ils lui arrivait au peu dessus du milieu du dos mais avaient la fâcheuse manie de cacher son visage. L'élastique à son poignet attendrait qu'elle soit sortie d'ici.

Son cheval attendait dans l'écurie, prêt à partir. Le bâtiment où se tenait l'animal n'était pas loin de la demeure, ce qui arrangeait tout le monde. Ne sachant pas comment Arn avait prévu de la faire voyager exactement, elle allait quand même le prendre. Elle ouvrit la porte du box et le tira pour revenir au centre-ville. Il y avait bien quelques regards curieux mais la blonde fusilla tous les importuns. Pas le temps ! Elle retrouva Arn et l'interpella.

S'arrêtant quand même près de lui, elle prit le temps de nouer sa couette sur le côté de son crâne et le regarda, une fois cette tâche quotidienne terminée :

« Je te suis. »

Arn attendait la jeune femme. Il entendit une voix familière. C'était Ariane tenant un grand cheval cheval alezan. Elle avait troqué sa roble contre une tenue lui offrant plus de libertés dans ses mouvements.

"Je te suis."

Le shifter grimpa sur le dos de sa monture et la lança en direction de la sortie. Ils devaient traverser la forêt pour rejoindre Trost. Ils ne mirent pas trop de temps à quitter l'enceinte de Stohess pour galoper vers la forêt. Arn se contentait de tracer sans forcément faire attention à la jeune femme. Au bout d'une heure de galop, Arn arrêta son cheval devant un grand tas de feuilles. Il descendit de son cheval et déblaya un immense amas de sangles avec déjà divers matériaux accrochés, comme des sacoches, des tonneaux, et même deux cages contenants des poules vivantes. Le shifter retira son équipement tridimensionnel, puis le rangea dans l'une des sacoches attachées au harnais. Puis il se tourna vers la jeune femme, lui présentant l'amas indescriptible de sangles.

"Voici ce qui vous mènera jusqu'à Trost."

La jeune femme devait sûrement se dire qu'il se foutait d'elle. Le shifter continua tout de même son récit.

"Il y a quelques règles, pour ce qui sera de monter, il suffira de suivre le cheval, il a l'habitude, c'est souvent lui qui réclame. Une fois dessus, ne pas me traiter de gros ou de macaque. Puis faudra que tu restes aux côtés de ton cheval pour le rassurer vu qu'il n'est peut être pas habitué à ce qu'il va voir. Bon c'est pas tous mais je vais vous demander de suivre mon cheval pour vous mettre en lieu sûr le temps que je prépare tout !Et tient bien ton cheval ! Au pire le cheval pourra t'aider."

Le mercenaire fit signe à son cheval d'attraper les rênes du cheval d'Ariane afin de l'aider à maîtriser l'animal si il s'emballait. Arn vit le cheval s'éloigner à la distance indiquée. Une fois tout en ordre, le shifter se mordit la main, puis disparut dans un nuage de fumée avant de réapparaître sous la forme d'un Titan de 10m. Il enfila le harnais et serra solidement les sangles paré pour le voyage. Sur le dos du Titan, plusieurs cargaisons, l'équivalent d'une charrette, bien qu'il pouvait porter bien plus. Le Titan adopta l'attitude la moins menaçante. Il attrapa d'abord les chevaux. Il installa le cheval alezan dans un sac ne laissant que la tête dépasser. Le cheval d'Arn se cala prêt d'une caisse. Désormais ne manquait plus qu'à la noble de grimper. Le Titan déposa la main à plat devant la noble et lui fit un signe de tête pour qu'elle grimpe.

Grimper sur le dos d'Engelhaftes Wunder ou Wunder tout simplement, fut le plus difficile. Inutile de s’appesantir sur le nom de l'animal, le naisseur du poulain semblait avoir été inspirée le jour où il fut décidé que l'héritière des Gott en hériterait en cadeau d'anniversaire quand il serait en âge de lui appartenir. Le cheval semblait très curieux de celui d'Arn, commençant à lui tourner autour sans laisser à Ariane le temps de monter. S'agrippant finalement à la selle de toutes ses forces, elle passa sa jambe gauche par dessus et s'installa du mieux qu'elle put.

Suivant le mercenaire qui traçait au galop, la blonde retenait l'alezan qui prenait ça pour une course. La forêt devenait de plus en plus épaisse, les bruits de plus en plus inconnus. Arn arrêta son cheval et en descendit pour se diriger vers un amas de choses diverses et parfois impossible à reconnaître tant qu'il n'aurait pas révéler ce dont il s'agissait.

Effectivement, la jeune noble crut qu'il plaisantait. Cet amas de sangle... A vue d’œil, il ressemblait à un harnais mais l'idée n'était franchement pas plausible. A quoi servirait un harnais aussi grand ? Pardon, rectification : qu'est-ce qui pouvait bien rentrer dans un harnais aussi grand ? Sentant que cette chose n'allait pas tarder à s'expliquer, Ariane préféra descendre de Wunder et sourit presque d'amusement en voyant faire le cheval d'Arn. Suivant à pied les deux autres, elle regardait le mercenaire.

Comment expliquer ce qu'elle ressentit ensuite ? Un choc violent. Privée de paroles, incapable de réfléchir, Ariane observa la Titan de 10m. A ses côtés, l'alezan semblait aussi perturbé que sa propriétaire. Et ce fut sans doute la raison pour laquelle il ne broncha pas quand il fut soulevé par le... Titan. Un éclair sembla frapper Ariane qui ne parlait toujours pas. Non seulement, elle prenait conscience qu'elle avait cherché les problèmes avec ce colosse de 10m mais qu'il pouvait l'écraser et la faire disparaître comme bon lui semblait. Excellent, tout ça, juste génial.

« Oh Seigneur, c'est franchement inimaginable ça... »

Arn avait tendu la main près d'elle, attendant visiblement qu'elle grimpe. Son premier réflexe fut de hausser un sourcil. Sérieusement ? C'était ça son mode de transport ? Original en tout cas. Avec beaucoup de prudence, elle posa un pied sur la main tendue et le deuxième ne tarda pas à rejoindre le premier.

« Un Titan... Tu peux te transformer... en Titan. »

Ariane commença à sentir une espèce de curiosité malsaine s'emparer d'elle. Des questions à foison qui germaient dans son esprit. Ce n'était pas tous les jours qu'elle pouvait voir un Titan. C'était son premier et elle sentait comme une gosse devant un jouet inconnu. De quoi était-il capable ? Jusqu'où allait sa force ? Comment diable se faisait-il qu'il soit capable d'une pareil transformation ?

Repoussant une mèche blonde derrière son oreille, Ariane tachait d'oublier sa peur présente. Très peu de choses arrivaient à l'effrayer : l'orage, les histoires de fantôme en faisaient malheureusement partis. Les Titans de 10m pouvaient également faire leur place dans cette liste exclusive !

Arn attendait patiemment que la blonde grimpe dans sa main. Elle semblait hésitante, ce qui était tout à fait normal. En même temps, la plupart des nobles n'avaient jamais eu l'occasion de voir un Titan. Elle finit par grimper après un peu d'hésitation et semblait avoir pas mal de choses à demander. Arn la déposa délicatement en face de son cheval calée contre une cage qui contenait des poulets vivants. Pas sûr qu'elle apprécierait, mais Arn n'avait pas le choix.

Il fit les derniers réglages et vérifia si tout était en ordre avant de s'élancer. Il avait prévenu de se cramponner car ça risquait de secouer. Il commença à grimper dans un grand pin avant de se mettre a sauter d'arbre en arbre avec une grande fluidité et surtout pas un bruit. D'habitude, les Titans étaient bien bruyants. Seuls bruits émis étaient ceux des poules boulottées par les mouvements du Titans et les diverses cargaisons qui contenaient ce qu'Arn avait pillé chez un noble qu'il avait assassiné. Le Titan se disait qu'il n'allait pas tarder à entendre la noble râler à cause de l'aspect inconfortable de ce transport.

L'imposante créature s'arrêta au sommet d'un arbre afin d'observer la forêt et de trouver le bon chemin. Puis il se remit en route. Bien qu'il soit imposant, Arn savait se déplacer sans se faire repérer et connaissait les coins peu fréquentés. Il évitait justement les routes principales et les chemins forestiers. Certes, le trajet était plus long, mais plus sûr. D'autant qu'Arn risquait de croiser de la vermine sur le chemin. Souvent quelques gangs qui voulaient des règlements de compte, ou encore des clients ne voulant pas payer qui envoyaient des types pour le tuer ou le pousser à ne pas insister.

Le Titan servait essentiellement à abattre d'autres Titans dans le cadre de contrats souvent demandés clandestinement par des soldats du Bataillon avant une expédition, afin de leur rendre les sorties moins mortelles. Ce Titan sortait aussi parfois lors de règlements de comptes entre malfrats comme arme dissuasive et souvent, ceux qui avaient eu le malheur de le voir étaient saoulés pour les rendre peu crédibles.

Après une bonne heure de course, le Titan s'arrêta un peu pour souffler, car il savait que son énergie était limitée et qu'il devait l'économiser. Il se dissimula dans la végétation à l'abri des regards. Son corps fumait légèrement à cause de la course. Il se permit de vérifier si tout était en ordre derrière. Il regarda les passagers et adressa un léger grognement amical pour leur demander si tout allait bien.

Calée contre la cage aux poulets, Ariane rassurait son cheval. Ou plutôt, elle se rassurait elle-même en se servant de Wunder comme excuse. Ce voyage allait lui coûter 1000 pièces... Tant de petites pièces pour un transport tous frais compris en Titan. C'était inconfortable, l'odeur plutôt désagréable mais la blonde avait le sentiment qu'elle n'avait pas le choix.

Arn s'élança et avec un peu de retard, elle se cramponna à la première chose venue. Elle ne savait pas ce que c'était, elle n'avait pas forcément envie de le savoir. Le Titant filait d'arbre en arbre, le vent cinglant le visage de la noble. Retenant un grognement exaspéré à force de manger sa mèche en plein sur son visage, Ariane se résigna à la tenir. Les cheveux avaient l'air bien étrangement. Par contre elle... Les poulets faisaient un bruit impossible à supporter et la blonde rêva d'un bon morceau de viande bien chaud.

Quand le mercenaire s'arrêta pour ce qui semblait être une vérification de la route à emprunter, Ariane commit sa première erreur : regarder en bas. Définitivement calée contre son cage, peut-être même en train de chercher à se fondre à l'intérieur, la blonde s'obligea à respirer. Tout allait bien, le vide ne l'effrayait pas. Ne pas voir le sol du tout n'était pas un problème ! Le soleil brillait, les oiseaux chantait et Arn se remit à sauter...

Trouvant finalement la bonne façon de s'installer en essayant au maximum d'apprécier ce voyage ô combien agréable, Ariane plia un peu les genoux, les pieds posés contre la paroi d'une caisse. Ses mains de chaque côté de son corps, elle aurait aussi bien pu être dans un fauteuil. Un fauteuil remuant mais ça en restait un. Elle voulait se plaindre. Dire que c'était franchement désagréable, qu'en tant que noble, elle aurait pu avoir un meilleur transport. Mais elle avait engagé Arn, à elle d'assumer ensuite. Alors Ariane ronchonna mais sans que ça ne passe la barrière de ses lèvres.

Maintenant qu'elle n'avait plus à s'inquiéter de se tenir, la jeune héritière chercha les aspects positifs du voyage en Titan. C'était original, unique sans aucun doute. Elle était sans doute la première à faire ça... C'était assez inhabituel et Ariane était quasiment certaine qu'elle ferait tout pour ne pas retenter l'expérience. Elle se sentait ballottée comme un vulgaire sac et elle n'aimait pas ça. La blonde aurait finalement préféré faire le trajet en cheval même si le trajet en aurait été bien plus long.

Ariane ne saurait même pas dire depuis combien de temps, Arn se trimballait sous cette forme. C'était toujours le même paysage, les mêmes arbres... Les poulets étaient enfin silencieux, enfin habitués. Et quand le Titan amorça sa descende, la blonde ne retint même pas son soupir de soulagement.

Il déchargea tout et s'éloigna un peu. Ariane récupéra son cheval, lequel tout content de sentir le sol sous ses sabots, tentait déjà de visiter ici et là. Les rênes solidement maintenues dans sa petite main, la noble attendait le retour d'Arn qui grognait afin de savoir si elle allait bien. Et bien non ! Elle se sentait mal, tout tanguait autour d'elle et elle allait finir par tomber si elle restait encore debout une minute de plus. Tombant à genoux, Ariane ferma les yeux et respira plusieurs fois. Ça avait été horrible en fait.

« Laisse-moi deux secondes... »

Tout les passagers descendirent et Arn retira son accoutrement le temps d'une petite pause. Le Titan s'était arrêté prêt d'un point d'eau où il y plongea la tête afin de se rafraîchir. Il ne put s'empêcher de sourire regardant la noble qui tenait à peine sur ses jambes. Elle ne semblait pas satisfaite du voyage. Bon, c'est vrai que le Titan ça secouait pas mal.

Après une trentaine de minutes, Arn renfila le harnais, puis fit signe à ses passager de se remettre en selle car ils allaient partir. D'autant qu'Arn ne comptait cette fois ne s'arrêter qu'une fois qu'il aurait trouvé une grotte pour le bivouac. Il attendit que tout le monde soit sur lui et bien accroché avant de reprendre son ascension dans les hauteurs. Le Titan continua son voyage à travers les hauteur sans un bruit. Sous ses pieds défilait une forêt impénétrable, sauvage, dans laquelle seule des animaux évoluaient. Arn apercevait des groupes de cervidés galoper dans cet environnement clos. Le shifter savait que depuis la chute du Mur Maria, les forêts s'étaient considérablement réduites afin de laisser place à des villages et champs supplémentaires pour nourrir autant de bouches tout en maintenant le train de vie de la noblesse. Plus jeune, et même maintenant, Arn connaissait la faim, le fait de ne rien avoir dans le ventre, où chaque aliment, même un morceau de pain rassi ou un fruit était un festin de roi.

Arn savait que lorsqu'il irait vivre dans sa planque à Maria, il aurait de quoi subsister avec la cueillette de nuit et les oeufs des poules, puis la chute d'eau qui dissimulait sa grotte apportait de quoi se désaltérer. Arn se disait que les humains, si ils s'adaptaient pourraient largement survivre aux Titans sans les Murs. Il suffisait de s'adapter comme le faisaient les animaux. D'autant que le culte des Murs pourrait conduire à la perte des hommes s'ils ne pouvaient pas toucher aux murs à cause de ces fanatiques.

Le shifter était tellement absorbé dans ses pensées, qu'il n'entendait plus ce qu'il se passait en haut, que ça soit les bruits des poulets ou encore les plaintes de Mlle Gott si elle se plaignait. Mais une chose tira Arn de ses pensées. Il venait de repérer une grotte qui semblait assez grande pour faire entrer le Titan, après deux heures de trajet. Il se dirigea vers la grotte. Il entra dedans. Elle était suffisamment spacieuse pour que le Titan puisse y tenir assis. Il remarqua que la nuit allait s'installer peu à peu. Il laissa tout le monde descendre et parti à la recherche d'un point d'eau pour y retrouver sa forme humaine.

Une fois de retour, Arn avait cueilli des baies pour le repas du soir. Il rajouta les baies dans le ragoût de légumes afin de parfumer un peu. Oui, le repas du soir allait se résumer à cela. Il alluma un feu afin de réchauffer le tout puis remplit deux bols et en tendit un à son hôte.

"Menu de ce soir, légumes bouillis ! Ah oui, j'avais oublié de préciser qu'en tant que végétarien strict, je ne servais pas un gramme de viande."

La pause fit un bien fou à Ariane. Retrouver le sol fut pour elle aussi, une extrême satisfaction même si ce laps de temps avant de reprendre la route n'allait être que d'une durée limitée. La blonde réussit à se remettre debout et fit quelques pas. Après cette heure sur le dos du Titan, marcher comme elle le fit n'avait rien de bien différent qu'un bébé qui fait ses premiers pas. C'était hésitant et tremblant. Mais à force de faire des allés et retours, Arianne retrouva à peu près des mouvements corrects. Ses articulations craquaient de partout, produisant un son fort désagréable.

La demie heure suivante lui servit à s'étirer un peu. Si elle restait trop longtemps sans bouger, c'était très mauvais pour le corps. Et dans cette situation, coincée dans la forêt, il fallait qu'elle soit réactive rapidement. Bon, le Titan de 10m à côté était parfait pour l'intimidation mais qui savait réellement ce que pensait les autres mercenaires ? Quand ils devaient avoir faim, froid ou un tout autre sentiment, la peur et la conscience du danger devaient varier d'un individu à un autre. Pour Ariane, elle se savait en sécurité tant qu'elle n'oubliait pas de finir de payer Arn. Un Titan aux fesses pour une histoire de pièces, y avait mieux comme souvenir désagréable.

Mais le garçon lui fit à nouveau signe de remonter. Avec un soupir mêlant résignation et désespoir, elle retrouva sa place près des poulets. Apparemment, l'aura de la jeune noble les faisaient se tenir silencieux pour l'instant. Tant mieux, elle avait besoin de réfléchir. Arn repartait tandis que son esprit s'établissait à des lieux de là. Quand elle allait être de retour aux QG des Brigades, elle allait forcément recroiser Adrien qui s'étonnerait de la savoir là. Si le blond avait été envoyé en « mission » ici, sa sœur n'était pas spécialement prévue. La première fois, c'était pour la sortir un peu de Sina. Son retour à la capital pour ce banquet était censé signer son retour presque définitif à la maison. Dommage... Mais elle apprenait beaucoup aussi là-bas. Et une fois que le cadet serait au courant, nul doute que l'aîné le serait aussi. Gabriel allait être en colère, mort d'inquiétude et résigné à ne jamais avoir l'autorité complète sur sa jeune sœur mais il n'était pas du genre à faire une esclandre pour la ramener.

Un bruit aigu fit un peu rougir Ariane. Son estomac se rappelait déjà à sa bonne conscience. Elle avait pourtant eu l'occasion de goûter pas mal de choses au banquet mais tenir une conversation avec un haut-placé et manger tout ce qu'elle avait sous la main -n'oublions pas de manger équilibré à chaque repas – la blonde avait plus eu l'occasion de s'occuper principalement de la première option. Quelques raisins par là, oui merci un peu de ça, un verre de ci... Franchement, ça demandait de l'expérience de faire le deux avec modération ! Il fallait qu'elle est l'air ouverte, qu'elle montre qu'elle avait de l'éducation, de l'ambition mais surtout pas qu'elle soit désagréable, froide et affamée. Bon, pas de chance, son caractère naturel avait finit par ressortir.

Arn descendit de l'autre et Ariane se retourna pour voir ce qui avait attiré son attention. Les mains agrippés à la cage, les genoux bien écartés pour tenir comme ça, ses yeux bruns fouillaient le paysage. Était-ce... une grotte ? C'était une plaisanterie pas vrai ? Il avait bien précisé que son prix comportait le couchage mais autant qu'elle sache, une grotte, il n'y a pas d'entrée payante ! Ils allaient dormir dehors ?! Bon, dans une grotte d'accord mais n'y avait-il pas un peu plus... civilisé ? Ariane marmonna beaucoup de choses dont le manque d'estime de soi des personnes acceptant de vivre comme des animaux.  

Au moins, elle était sur ses deux pieds. Se laissant tomber sur les fesses, la noble soupira et regarda le ciel. Les tons orangés laissaient présager la venue de la nuit. Arn, à nouveaux avec son apparence humaine, lui servit à manger et quel repas ! Contemplant son bol, Ariane eut presque envie de lui jeter au visage. Elle respira et tenta de parler le plus gentiment possible.

« Tu es végétarien, c'est ton choix. Mais ça n'est pas le mien. »

Elle allait pas clairement lui dire qu'elle avait besoin d'un satané bout de viande pour tenir un temps sois peu ! Elle valait mieux que ça ! Glissant un regard appuyé à Arn, elle espérait qu'il comprenne ce qu'elle lui demandait. Les animaux étaient faits pour servir de nourriture. Et il n'y avait rien de plus nutritif que de la viande !

« Je pense être loin de la petite nature que tu dois m'imaginer en tant que noble mais je n'ai aucune idée du temps que ce trajet va encore prendre, alors si je n'ai pas quelque chose de plus... consistant que ça, je te conseille d'éloigner ton cheval ou tes poulets avant qu'ils ne me semblent être une bonne alternative à ce consensus de nos choix nutritifs. »

Est-ce que c'était assez clair ?

Arn commença à manger son repas tout en regardant la jeune femme tirer un visage bien sombre devant son bol. Encore des caprices de madame. Arn tirait un air blasé. Et elle allait sûrement sortir une de ses réflexions. Et c'est ce qui ne manqua pas d'arriver.

"Tu es végétarien, c'est ton choix. Mais ça n'est pas le mien."

Arn leva les yeux envers son interlocutrice, tout en continuant à mâchonner son bout de pain. Si elle voulait de la viande, qu'elle aille la chercher elle-même, ou encore, il y avait un lac pas trop loin où elle pourrait aller pêcher.

"Je pense être loin de la petite nature que tu dois m'imaginer en tant que noble mais je n'ai aucune idée du temps que ce trajet va encore prendre, alors si je n'ai pas quelque chose de plus... consistant que ça, je te conseille d'éloigner ton cheval ou tes poulets avant qu'ils ne me semblent être une bonne alternative à ce consensus de nos choix nutritifs."

Arn lui lança un regard noir. Non mais, elle se croit différente, mais au fond elle ne diffère pas tant que ça des autres nobles.

"Considères que c'est ça que je dois manger tous les jours, que beaucoup de personnes doivent manger tous les jours et encore certains jours, on ne mange pas. Une des raisons ? La grande majorité de la nourriture est acheminée pour les festins des nobles et des hauts gradés qui la gaspillent par la suite. Eh je ne vais pas me ruiner pour acheter un bout de viande afin de satisfaire les caprices de mademoiselle. Si tu veux un peu de protéines, tu as des oeufs. Les poules c'est pas donné et elles sont une source de nourriture plus importantes vivantes que mortes. Et si tu veux vraiment ton bout de viande tout de suite, tu n'as qu'à aller chasser ou pêcher. Moi je n'aime pas tuer d'animaux qui ne m'ont rien fait de mal."

Il se tourna vers son cheval avant de se retourner vers la jeune femme.

"Et si tu oses toucher ces animaux, surtout le cheval, je te préviens que ça va mal aller pour toi. Ce cheval, j'y tiens. Et les poulets, c'est ce qui me permet de subsister."

Arn termina son repas en silence. Puis se détourna de la jeune femme et se dirigea près du harnais et des cages à poulets. Il repéra un oeuf et sorti donc une poêle et tendit à la jeune noble.

"Tiens, si tu veux un petit plus, fais toi cuire cet oeuf, je pense que tu dois en être capable."

Puis le shifter retourna à ses occupations. Il sortit les couvertures qui étaient identiques à celles des soldats du Bataillon pour le couchage, ainsi qu'un matelas pour la demoiselle. Il disposa le tout autour du feu avant d'aller faire quelques vérifications sur le harnais, puis il s'enfourna sous sa couette. Il désigna à la jeune noble le matelas avec sa couette.

"Je suis sympa, tu as le droit à un matelas, je n'avais pas envie que tu me casses les burnes toute la nuit. Par contre, il risque de sentir un peu le Titan."

Ariane était assise, le dos bien droit et les jambes sur le côté, légèrement repliées. Elle fixait Arn avec le plus de neutralité possible, souhaitant éviter un affrontement forcément inégal et perdu d'avance avec un Titan de 10m. Naturellement, le blonde ne comptait pas s'en prendre au cheval du mercenaire puisqu'elle avait bien compris qu'il était un outil indispensable. Par contre, les poulets... Ça, c'était tentant.

Le regard noir d'Arn et sa tirade ne lui fit ni chaud ni froid. C'était facile de critiquer les nobles par derrière. D'accord, ils n'étaient pas les meilleurs personnes au monde mais il y avait des limites au manque de respect dont Arn faisait preuve. Qu'il n'oublie pas qui et d'où il venait. Et quand bien même, il n'appréciait pas les nobles, il pouvait avoir un minimum de respect pour une femme. C'était juste intolérable. La menace lui fit plisser les yeux. Ça promettait pour le reste du trajet...

Remplie d'une fierté inégalable, Ariane posa son assiette, refusant net de manger. Elle croisa les bras et attendit qu'il finisse, se contentant de le regarder. Et quand il lui donna l’œuf et la poêle, ce fut la goutte de trop. En fait, c'était juste destiné à se moquer d'elle pas vrai ?! Sérieusement... Pensait-il vraiment que la blonde savait utiliser ça ?! Dans quel genre de monde... non d'univers, une noble savait utiliser une poêle ?!

Arn la laissa avec son matériel de cuisine, vaquant à l'installation du matelas et des couettes. Notant tout de même, le « geste » du mercenaire concernant son confort, elle affirma silencieusement dans sa tête qu'elle lui aurait « cassé les burnes » toute la nuit. Puis la journée de demain. Et tout le reste du temps que ce foutu trajet allait prendre. Juste pour le plaisir et qu'elle s'éclatait à trouver divers moyens de l'emmerder davantage. C'était même sa principale occupation en ce moment !

Arn semblait vouloir dormir. Erreur. Erreur fatale. Tout doucement, Ariane alla reposer l’œuf où le garçon l'avait prit et s'approcha de lui. Elle savait qu'il l'entendait. Il n'avait pas besoin d'avoir les yeux ouverts. D'un geste précis et d'une violence inouïe, la blonde lui abattu la poêle sur la tête. Il allait potentiellement avoir mal mais ne risquait rien, il avait l'air d'être un dur. Elle jeta l'objet quelque part sans regarder et hurla, sa voix se répercutant davantage dans la grotte :

« Tu te crois drôle, peut-être ?! Ça t'amuses de te moquer de moi comme ça ?! Tu te crois plus malin et plus intelligent que moi ?! Ah oui, Monsieur a connu la faim, la misère et tout ce qui peut être horrible sur Terre mais si tu crois que ça te donne le droit de me parler comme ça, tu te fourres le doigt dans l’œil jusqu'au coude ! »

Elle se releva et quitta furieusement la grotte, non sans lancer une insulte qui fit se retourner ses ancêtres dans leurs tombes. Où l'avait-elle entendu, mystère ! Arpentant un chemin imaginaire dans les bois, Ariane ne s'arrêta que quand elle sentit un point de côté particulièrement violent.

Cherchant difficilement son souffle, la blonde finit par s'asseoir contre un tronc d'arbre. Elle se sentait comme insultée par le comportement d'Arn. Il était tellement, tellement...

« Pauvre crétin... »

Arn entendit la noble arriver vers lui le temps qu'il s'endorme. Mais le coup de poêle dans le crâne, il ne s'y attendait pas. Il se releva un peu sonné le crâne fumant. Cette fois ça allait mal aller pour elle.

"Tu te crois drôle, peut-être ?! Ça t'amuses de te moquer de moi comme ça ?! Tu te crois plus malin et plus intelligent que moi ?! Ah oui, Monsieur a connu la faim, la misère et tout ce qui peut être horrible sur Terre mais si tu crois que ça te donne le droit de me parler comme ça, tu te fourres le doigt dans l’œil jusqu'au coude !"

Arn resta silencieux. Ces gens, leur fierté, il ne fallait pas y toucher. Par contre, pour pourrir les miséreux, ça y allait. Certes, le shifter se disait qu'il était allé un peu loin. Mais c'était un type qui tenait à sa liberté et qui ne supportait pas qu'on le traite comme un moins que rien. Il aimait remettre les nobles à leur place en tant qu'êtres humains. Elle lui balança une insulte avant de quitter la grotte abandonnant le mercenaire et les chevaux. Pour Arn, si elle avait laissé son cheval, elle allait revenir.

Il se transforma en Titan pour tout de même la pister au cas où il lui arriverait quelque chose. Sous sa forme titanesque, Arn était plus agile et discret de nuit, en plus de bénéficier d'un odorat et d'un ouïe plus avancés. Il finit par repérer la jeune femme mais garda ses distances voulant la laisser tranquille tout en surveillant le secteur en cas de présence de bandits ou de bêtes sauvages. D'autant qu'une jolie jeune fille pourrait allécher plus d'un trafiquant d'êtres humains pour qui ça ferait une bonne affaire à vendre à un bordel quand ce n'était pas des gosses à vendre à des scientifiques afin de faire des tests sur eux. Arn et sa soeur avaient fait parti de ces enfants. Arn n'avait que 12 ans quand il s'était fait kidnapper avec sa soeur. Mais la jeune fille n'avait pas été vendue contrairement à son frère. Ces salauds s'étaient contentés de la violer sous le regard de son frère impuissant.

Arn abandonna son Titan et alla à la rencontre de la jeune femme. Il n'affichait pas son air blasé habituel. Il avait une expression neutre presque triste.

"Tu devrais faire attention, le coin est truffé de Brigands et de trafiquants d'êtres humains. Je n'ai pas envie qu'il t'arrive la même chose qu'il est arrivé à ma soeur et moi."

Arn parlait sincèrement. Il fit signe à la jeune femme de revenir.

"Allez viens, on rentre à la grotte. Bon on oublie le petit quiproquo de ce soir et demain je t'achètes ce que je trouve en viande,par contre je ne promets pas un bon steak, plus probable d'avoir de la conserve."

Il attendit que la jeune femme décide de la suivre. Arn n'aimait pas vraiment cette femme mais jugeait qu'elle ne méritait pas un tel traitement comme sa soeur avait eu.

Heureusement, il ne faisait pas froid. Sinon, Ariane aurait presque pu regretter d'avoir quitté le giron sécurisant du feu dans la grotte. La nuit avait posé son voile sombre sur la forêt, empêchant la noble de voir loin devant elle. Son dos ripait un peu contre le tronc de l'arbre mais elle s'en fichait. C'était pratique d'utiliser sa souffrance quotidienne comme excuse pour tout ! Alors quoi ?! La blonde n'avait pas le droit d'être malheureuse parce qu'elle était née riche ? Elle allait être vendue pour l'amour du Tout Puissant ! Vendu au premier noble qui plairait à son père ! Juste une fille inutile tout bonnement capable de lier deux famille. En quoi c'était agréable d'être née dans une famille riche ?!

Remontant ses genoux contre sa poitrine, la noble cacha son visage entre ses genoux. Voilà pourquoi elle détestait revenir à Sina. Ses frères tentaient d'user de leur autorité pour lui faire gagner du temps mais leur père n'allait pas attendre. Dès qu'il en aurait l'opportunité, Ariane Gott deviendrait le problème de quelqu'un d'autre. Cet homme n'aimait pas sa fille. Il n'aimait pas ses enfants, voyant juste son aîné comme un simple successeur. C'était douloureux bon sang !

Un bruit sur le côté attira son attention et elle releva la tête pour regarde tranquillement Arn qui s'approchait. Son air était différent de celui qu'il affichait perpétuellement aujourd'hui. Naturellement qu'elle faisait attention ! Il la prenait pour la gentille Princesse incapable de se défendre ?! En avait-elle franchement l'air ?!

Saisissant l'opportunité qu'il lui tendit, Ariane se releva et passa très fièrement devant. Rejoindre la grotte ne fut pas difficile et la jeune fille retrouva la chaleur du feu avait béatitude. Ravie d'avoir finalement réussit à obtenir de la viande, elle s'approcha du matelas qui lui servirait pour la nuit. Effectivement, l'odeur n'était pas des plus agréables, mêlant la sueur à tellement d'autres choses... Répugnant !

La blonde prit le temps d'enlever ses bottes avant de se glisser sous la couette. Il y avait quand même un certain respect pour le matériel mis à sa disposition. Même la poêle allait bien ! Veillant à tenir son nez, loin de tout ça, son dos était si douloureux qu'elle roula sur le côté, ronchonnant par la même occasion. Arn devait penser qu'elle se plaignait de tout mais son confort habituel était assez différent de celui-ci. Par contre, le sommeil la fuyait. Elle ne savait si Arn dormait vu qu'aucun bruit ne rompait le silence de la grotte.

« Oy ! Qu'est-ce qui t'es arrivé durant ton enfance ? »

Prenant conscience de son étrange question, elle écarta vivement la couverture et fusilla Arn du regard.

« Ne va pas te faire d'idées ! Je demande simplement ça comme ça ! »

Bon après, libre à lui de refuser de lui en parler.
Ariane se recoucha, plaçant bien la couverture sur elle. Pour l'instant, il ne faisait pas froid mais au petit matin, ça risquait de cailler. Son bras replié en guise d'oreiller, la blonde attendait. Soit d'entendre son histoire, soit de s'endormir. Elle pouvait aussi s'endormir pendant qu'il racontait cela dit...

La jeune femme finit par retourner à la grotte devançant majestueusement le shifter qui ne put s'empêcher de rire. Bon, madame avait fait son caprice juste pour son bout de bidoche. Une fois rentrés, Arn retira son équipement et se glissa sous la couette et vit la jeune femme faire de même sur son matelas. Il entendit la noble ronchonner de ce confort sommaire. Mais le shifter avait du mal à trouver le sommeil. Il pensait à son passé, la grotte lui rappelait le temps qu'il avait passé avec son frère dans sa planque avec les autres mercenaires, ce temps où il n'était qu'un gamin, où il n'était pas seul. Un temps révolu. Mais la jeune femme l'interrompit dans ses pensées.

"Oy ! Qu'est-ce qui t'es arrivé durant ton enfance ?"

Arn se retourna regardant la noble d'un air songeur. Il sursauta quand elle le fusilla du regard écartant vivement la couverture.

"Ne va pas te faire d'idées ! Je demande simplement ça comme ça !"

"Hey doucement, pas la peine de m'agresser !"

La jeune femme replaça sa couette et semblait attentive à ce qu'Arn allait dire à propos de son passé. Il hésita un instant avant de dire sa réponse.

"Disons ... que ma soeur et moi on a été kidnappés ... Parmi nos agresseurs ... un noble qui a violé ma soeur sous mes yeux ... Il a dut ... la tuer par la suite. J'ai été vendu ... pour des expérience scientifiques... Plusieurs mois dans une cage avant qu'on vienne me chercher pour tester un produit. Cependant ... mes souvenirs datant d'après l'injection sont flous ... Tout ce que je sais c'est que c'est depuis ce jour que je peux me transformer en Titan ..."

Le shifter se remémora du moment où il reprenait conscience après l'injection. Ce jour là il faisait froid. Arn était frigorifié, pratiquement nu et maigre. Lors de sa première transformation, il avait donné un Titan faiblard selon les témoignages de son frère.

Il finit par s'endormir pensant à la suite de leur périple le lendemain. Arn sentait que la route allait être longue une fois de plus pour le plus grand bonheur du shifter. Il espérait que la noble n'irait pas l'agacer, sinon il demanderait à son cheval de s'en occuper. Ce cheval était très bien dressé et avait un comportement très humain au point qu'il paraissait parfois plus civilisé que son maître. Le shifter jeta un coup d'oeil aux chevaux qui dormaient. Les poulets ne faisaient pas un bruit non plus. Tout était si calme pour le plus grand bonheur d'Arn qui finit par fermer les yeux pour de bon.

Ariane ramena ses genoux contre son ventre. Un bras en guise d'oreiller, l'autre sur contre sa poitrine, la blonde fixait la paroi plus loin. Elle releva la tête pour donner ses cheveux puisque ce n'était absolument pas pratique pour dormir. L'élastique au poignet, la noble s'installa sur le dos, les jambes bien tendues pour que le sang circule sans soucis. Ses pieds étaient en feu avec cette sensation désagréable d'avoir des fourmis qui rampaient dessus. Horrible, juste horrible ! Secouant inutilement les pieds, elle abandonna et se recouvrit encore un peu.

Arn avait hésité avant de parler... Elle se fichait totalement de savoir pourquoi, Ariane n'avait déjà plus envie de l'entendre. L'agresser ? Quoi, le coup de poêle avait été battu par une simple phrase ? Personnellement, elle se prendrait un coup comme celui-ci, son agresseur serait mort les secondes suivantes ! Mais à la limite, elle n'aurait pas été assez stupide pour laisser un ou une inconnu avec des armes potentielles pendant qu'elle tentait de s'endormir.

Tirant la tête la moins intéressée possible, la noble écouta sa triste histoire. Pleurez orphelins ! Les violons résonnaient presque dans cette grotte tandis que le cortège de veuves rejoignaient ce mélodrame ô combien déplaisant. Pour Ariane, rien de plus que l'histoire d'un garçon sans intérêt. Ils ne se connaissaient pas et elle n'était certainement pas du genre à pleurer sur le passé d'un mercenaire. Ou une toute autre personne d'ailleurs.

Elle pourrait se sentir désolée pour lui et même pour sa sœur. Elle ne souhaitait cela à aucune fille entre les Murs, bien qu'elle soi loin de ressentir une quelconque solidarité féminine. Arn avait vécu des choses horribles, il s'en était sortit, point à la ligne, nouveau chapitre. Ce n'était pas comme si elle se sentait malheureuse pour lui. Il ne devait pas avoir besoin de ça.

Ariane soupira, évacuant d'un coup tout l'air de ses poumons. Sans s'en rendre compte, elle s'endormit d'un coup, son corps totalement détendu.

Le lendemain, elle ouvrit un œil brun difficilement. Les cheveux en pétard et l'air absolument adorable -ô douce ironie- Ariane regardait en direction de la couette d'Arn, absent. Il avait dû sortir pour faire un truc qui n'intéressait absolument pas la jeune noble. Sans commentaires après ses révélations de la veille, elle se leva, plia la couette et entreprit de démêler ses cheveux. Les fils semblable à de l'or fins tombait sur ses genoux tandis que les nœuds disparaissaient au fur et à mesure. Nouant rapidement sa queue de cheval, la noble s'arrêta à la sortie de la grotte

« Arn ? »

Glissant sa main en visière au niveau de ses sourcils, Ariane chercha le mercenaire des yeux. Le soleil pile en face n'aidait pas du tout et elle fit laquer sa langue contre son palais.

« Où est-ce qu'il est passé celui-là... »