Il pleuvait ce jour là. Pas une pluie torrentielle, certes, mais suffisamment pour que les rues soit libres et peu abondantes. Nawuele choisissait ses jours de sortie avec minutions, rien n'était laissé au hasard, elle ne pouvait pas se permettre une erreur. Elle arpentait les rues d'un regard froid et absent, jetant un rapide coup d’œil désintéressé à ceux qu'elle croisait.
Elle ne lisait rien d'intéressant dans leurs regards, ayant du côtoyer bon nombres de malfrats, elle savait reconnaitre un regard cachant beaucoup de choses, ou un regard suspect.
Habillée d'un long manteau noir, la protégeant de la pluie, mais surtout cachant son arc soigneusement dissimulé, là encore, elle ne se permettait aucune erreur. Elle prenait soin comme d'habitude d'amener des petites dagues sur elle, rapide à sortir, plus discrètes, et surtout très tranchantes.

Elle songea un court instant si ses camarades du bataillon d'exploration avait remarqué sa disparation, il y avait tout de même peu de risque, elle était aussi discrète qu'un chat, et surtout aussi invisible qu'un fantôme, on l'a remarque peu, mais tout de même...Ils ne sont pas aussi aveugles et stupides que les apprentis soldats qu'elle avait fréquenté lors de sa formation.

Qu'importe, elle chassa ses inquiétudes.

Elle savait précisément où aller et continua de marcher d'un pas rapide, mais discret, vers sa destination, une école de jeunes enfants, bien évidemment elle ne venait pas ici par hasard...Elle passa sa main sur l'une de ses dagues dissimulées dans sa manche.

Quand on avait un rare temps libre, chez les apprentis, on avait tout intérêt à en profiter. C'est pourquoi Nadeko s'était déjà rendue dans les rues de la ville la plus proche, chercher des commerces. Il ne restait plus grand chose de l'activité du district depuis la destruction du mur par le titan colossal ; bien qu'il ait été rebouché, les dégâts dans la ville et la crainte qu'un tel "évènement" se produise une seconde fois avaient réduits considérablement la population et le commerce. La compagnie de la famille Reebs, que les parents de Nadeko avaient pu voir de rares fois, avait du fermer nombre de ses vitrine depuis.
Alors que la petite adolescente cherchait une boutique de vêtement ou l'autre, voilà que le ciel gronda et que tomba une pluie grise. C'était de la veine... le peu de population dans les rues ne tarda pas à rentrer, avec ça il n'y aurait plus personne pour la guider, si la moindre boutique trouvait nécessaire de rester ouverte quand les rues étaient vides.
Elle aurait du mal à remplacer sa robe impitoyablement déchirée par une anonyme du dortoir, après qu'on ai fouillé et renversé ses affaires. C'était un peu triste.

Nadeko flâna donc dans les rues, quelque peu amer, se demandant quoi faire. Son béret la protégeait des gouttes. Elle ne portait pas son uniforme des bataillons, elle l'avait tronqué contre un gilet et une longue jupe, pour passer inaperçue. Elle chantonna en murmurant une berceuse, venue d'une boîte à musique de son enfance

Et tiens, il y a avait quelqu'un dans les rues. Une femme d'âge adulte. Dans la vie il y a certaines personnes de bon ou mauvais augure. Celle là faisait étrangement partie des seconds. Par exemple pour commencer elle trainait sous la pluie, ce qui signifiait qu'elle n'était soit pas du coin tout comme Nadeko, soit qu'elle était bizarre. Bon, elle pouvait être là pour plein de raisons, même si elle ne faisait probablement pas du shopping. Mais elle avait une allure, comme quelqu'un qui n'aime pas trop être observé... ou alors c'est l'intuition qui fait erreur.

" Bonjour... "

Risqua innocemment la jeune Nadeko. Peut être que la femme visiblement elle aussi à chercher quelque chose, interrogerait Nadeko ou au contraire l'aiderait dans sa recherche banale. C'était à voir.

Nawuele contemplait l'école, perdue dans ses pensées.Un bon nombres de choses lui traversaient l’esprit, notamment comment sur la façon la plus opportune d'agir....

" Bonjour... "

Elle se figea légèrement quand elle entendit cette petite voix derrière elle, elle jeta un rapide coup d’œil pour vérifier que ça lui été bien adressé, et se retourna d'un coup. Elle avait face à elle une jeune fille, une enfant même, elle lui donnait une douzaine d'années, mais elle n'en baissa pas sa garde pour autant, Nawuele la jugea d'un regard rapide mais efficace : Elle était de petite taille, frêle, mais ce qui intéresse bien sur le plus Nawuele, c'est surtout qu'elle lirait dans son regard, elle plongea donc son regard perçant et vert, dans celui de la jeune fille face à elle.  Elle cru y déceler une jeune fille timide, perdue, mais surtout innocente et inoffensive. Nawuele se radoucit un peu, mais n'en baissa pas sa garde pour autant.

- Bonjour, jeune fille. Elle essaya d'adopter le ton le moins froid qu'elle pouvait, mais ce n'était visiblement pas dans ses cordes, elle manquait cruellement d'entrainement.

Elle s'interrogea sur ce qui pouvait pousser une enfant à lui parler, habituellement même les plus confiants ne lui adresse pas la parole. Mais la réponse qui lui paru la plus évidente est que cette enfant appartenait à l'école, et qu'elle devait certainement se questionner sur cette inconnue étrange devant son établissement. Nawuele saisit cette opportunité, cette enfant détenait peut-être les informations qu'elle était venue y chercher, ça serait une chance inouïe.
Mais elle devait avant tout en avoir le cœur net.

-Dis-moi petite...tu es  une élève de cette école, n'est pas ? Elle tenta d'esquisser un sourire se voulant rassurant, mais sa mâchoire se crispa, du à l'absence de pratique de ce fastidieux exercice, car en effet cela faisait des années qu'aucun sourire véritable n'était nait sur son visage. Elle changea donc de tentative en détournant son regard de la jeune fille, afin que son regard pénétrant ne l'intimide pas trop.

La pluie commençait à s'intensifier.

Nadeko évita de baisser les yeux quand ceux si particulier de la femme se plongèrent dans les siens. On aurait presque dit qu'elle voulait scruter son âme... Regarder avant de saluer, c'est rare chez les personnes. Avec ça elle risquait de la trouver louche encore un peu, puisque de toute façon les gens louches couraient les rues dans ce monde, visiblement.
Heureusement on passait déjà à quelque chose de drôle... enfin... Elle la prenait pour une enfant. C'était vexant autant que drôle.

Cela conduisit en plus Nadeko à s'interroger... ressemblait-elle tant à une petite fille de primaire ? Il était vrai qu'avec son gilet on ne voyait pas la trace de sa petite poitrine ascendante. Et que sa voix était très petite, d'autant plus quand elle était timide. Mais malgré ça, elle qui souvent, faisait physiquement ni plus ni moins que les autres de son âge, en fut quelque peu perturbée. Elle devrait corriger ses expressions peut être. Mais surtout il allait falloir lui faire comprendre sans honte son quiproquo, et ce ne serait pas facile.

La voix de la femme était belle mais grave, celle d'une vraie adulte, mais un peu trop sérieuse. Une soldate n'aurait pas fait mieux ? Attendez, soldate... Cette femme lui disait quelque chose étrangement, l'aurait-elle vue quelque part... Attendez, mieux valait se concentrer sur l'instant pour ne pas paraitre plus évasive.

" Heu non, je ne suis pas de cette école... J'ai 14 ans. "

Pour commencer, il fallait laisser se remettre la femme un peu bizarre du choc. Mais aussi arrêter de s'inquiéter, malgré la malchance légendaire de l'apprentie... Oui, car la façon dont elle avait formulé "...une élève de cette école n'est ce pas" ressemblait moins à une question gentille qu'à " je suis venu pour ouvrir le ventre des enfants de cette école". Le "Dis-moi petite" quand à lui ressemblait à une sorcière. Quand on disait d'arrêter de s'inquiéter... En même temps c'était difficile, n'importe qui aurait trouvé une certaine mauvaise aura à la femme.

La pluie tombait plus fort, le béret de Nadeko ne suffirait pas, dans quelques minutes à ce rythme elle serait trempée.

" On devrait se trouver un abri, vous connaissez quelque part ? Ou alors vous cherchez quelque chose dans cette école ? "

Nadeko était en un sens la dernière à aborder les inconnus... Mais en un autre elle avait tant connu l'ostracisme qu'elle n'avait plus grand peur de ce qu'on lui infligerait comme vexation, surtout quand il n'y avait pas de groupe dans le coin. Il ne restait qu'à espérer que l'inconnue ne soit pas une tueuse.

" Heu non, je ne suis pas de cette école... J'ai 14 ans. "

En entendant cette réponse Nawuele fut légèrement surprise, mais son visage n'en quitta pas pour autant son sempiternelle impassibilité et décida de replonger son regard dans celui de la jeune fille, afin d'y discerner un mensonge. Or, elle semblait dire la vérité, mais elle semblait légèrement vexée de sa question, ce qui était bien sur le dernier de ses soucis.

"Ah." Elle avait prononcé ce simple mot d'un ton désinvolte, mais presque d'une façon tranchante.

Elle aura réussie à la détourner de son but initiale en venant ici, maintenant elle devait connaitre les raisons qui avaient poussées cette jeune fille à venir lui parler, surtout que plus elle la contemplait, et plus son visage lui donnait un air de déjà vu... Serait-ce un insidieux piège tendu par les personnes qu'elle recherchait ? Ou tout simplement une jeune fille égarée l'ayant reconnu pour une quelconque raison ?

" On devrait se trouver un abri, vous connaissez quelque part ? Ou alors vous cherchez quelque chose dans cette école ? "

Sa voix timide et hésitante l'arracha une voix encore de ses pensées, Nawuele ne l'avait toujours pas quitté du regard, mais maintenant deux théories s'offraient à elle : Soit c'était vraiment un piège, soit elle cherchait de la compagnie, mais cette dernière suggestion lui paraissait un peu erroné, elle n'était pas la compagnie qu'on cherchait, surtout venant d'une jeune fille innocente.
Bien qu'elle n'appréciait pas la compagnie humaine, Nauwuele esperait que ça soit quand même cette dernière théorie la bonne, elle ne voulait pas avoir à tuer une enfant paressant si pure.

" Ouais, suis-moi." Ces mots là, furent eux lâchés d'un ton paressant presque subversif.

Elle commença à marcher d'une allure modéré vers une petite ruelle, elle connaissait beaucoup d'endroits, ça c'est certain, mais pas des meilleures, et surtout pas pour une jeune fille de son acabit
Mais elle ne voulait pas non lus dans un endroit trop bondés, car si cette jeune fille venait de la part de ses ennemies tapis dans l'ombre, elle voulait la tuer rapidement dans un endroit vide, sans attiré l'attention. Après tout nous étions le jour, ce genre de tache est plus aisé la nuit.
Elle pénétra donc dans cette ruelle sombre, et assez étroite, et s’arrêta brutalement devant une maison, paressant habités, et en ouvris brutalement la porte.

"Rentre, et dis-moi qui tu es. Et je ne te conseille pas de me mentir."

Pourquoi la regardait-elle ainsi, à la percer dans les yeux. Elle la rendait mal à l'aise. On aurait dit qu'elle se méfiait d'elle. Ne la croyait-elle pas d'un tel âge ? Un mètre 53 c'est un peu grand pour une fille de dix ans, non ? Peu importe, la femme lui répondit de manière bien concise, un simple "ah". Cela en disait long sur son degré de politesse, et ne la rendait que moins fréquentable.

Pourtant Nadeko lui avait proposé d'aller avec elle dans un lieu sans pluie, bien gentiment. Dés la première seconde elle l'avait regretté. D'où lui étais venu cette idée étrange ? Elle n'en avait aucune idée, elle avait agit par réflexe. Peut être pour ne pas paraitre intimidée, faire plus sociable, et éviter ainsi les comportements d'ostracisme... Un réflexe irraisonné qui risquait de lui coûter bien cher.
Après une nouvelle phrase tout sauf affable, elle suivit ainsi la jeune adulte, la mort dans l'âme. Ses parents avaient souvent recommandé à Nadeko d'être méfiante envers les inconnus, et dans ce monde de fous c'était une bonne recommandation. C'est là qu'elle se rappela d'où elle avait peut être déjà vu la femme. Lors des entrainements il arrivait qu'on voit passer des militaires passer par hasard. Elle avait le sentiment qu'une fois elle y avait vu cette brune sans nom. Si c'était vrai, alors il y avait moins de raison de s'inquiéter, elles étaient du même camp. A moins qu'il ne s'agisse d'une... rebelle ? Et si elle était là pour elle, Dieu sait pour quelles raisons ? Nadeko sentit son coeur battre plus fort, et une coulée de sueur sous sa chemise. Elle suivit néanmoins l'étrange femme.

Quand elle se retrouva au bout d'une ruelle, dans un lieu que connaissait comme par hasard sa "guide", la peur se mua en peur instinctive pour sa vie. Elle avait bien raison : la personne la menaçait clairement maintenant. Nadeko hésita, restant devant la porte quelques secondes. Si elle était trop docile elle paraitrait moins menaçante mais aussi plus fragile, cela pouvait détendre son interlocutrice si elle n'était pas mauvaise et l'encourager si elle l'était. Mais la frêle adolescente en avait aussi assez qu'on lui marche sur les pieds sans cesse, même dans la peur elle sentait pointer la colère. Pourquoi la voyait-on comme une faible ? Elle était juste une fille normale rejetée, mais normale.

Elle entra dans la maison, regardant l'intérieur, essayant d'oublier sa peur.

" Je suis Nadeko Zarmatti, apprentie des bataillons. Je ne faisais que me promener en ville en cherchant un magasin " dit-elle sur un ton monotone sans expression ni de peur ni de provocation

Elle aurait peut être du s'inventer un prénom, mais elle ne s'était pas sentie le courage de mentir. Peut être aurait-elle du mentir, avec ce nom à consonance asiatique, elle pouvait attirer l'intention sur ses origines et être une proie plus attrayante pour les esclavagistes.

" Je suis Nadeko Zarmatti, apprentie des bataillons. Je ne faisais que me promener en ville en cherchant un magasin "

Une apprentie soldat ?
Et merde... Songea Nawuelle.
Qu'allait t-il se passer si une apprentie soldat rapporter à ses supérieurs qu'elle avait vu un membre du bataillon d'exploration à l'allure très suspecte dans le district de Trost, mais qui plus est celui-ci l'ayant plus ou moins menacé et contraint de la suivre dans une ruelle étrange qu'elle semblait bien connaitre ? La réponse était évidente, Nawuele était quasiment certaine de faire déjà partie des membres suspects et probablement surveillés, le témoignage de cette apprentie ne ferait que confirmer les soupçons sur la nature très mystérieuse de Nawuele, qui ne tarderait pas à tout découvrir.
Qui plus est il aurait été stupide de cacher à la jeune fille son statue de soldat, ou même son véritable prénom, cette apprentie la croiserait certainement à un moment, si elle ne l'a déjà pas reconnu.
Nawuele devait donc faire en sorte que cette jeune fille soit dissipée de toute peur ou de tout soupçons à son sujet.

"Oh...je vois. Nous sommes donc alliées dans ce cas, Je suis Nawuele Skadi, membre du bataillon d'exploration, mais peut-être le savais-tu déjà ? En tout cas pardonne-moi si je t'ai effrayé, je me méfie des rebelles, on ne sait jamais." Nawuele parlait d'un ton détendue, presque comme un automatisme.

Elle se dirigea vers un fauteuil de satin noir, s'accordant très bien avec le décor froid de la pièce, et s'installa dessus et lui montra d'un signe de tête celui d'en face.


"Je t'en prie, assis-toi, nous serions plus à l'aise pour bavarder, j'étais justement dans dans ce district en repérage, j'essayais d'analyser certains comportements suspects afin d’identifier d’éventuel rebelles."

C'était bien évidemment faux, mais cette ruse permettait d'effacer la plus part des soupçons de la jeune fille, qui ira peut-être même la considérer comme son alliée, après tout elle avait décris un but commun. Si jamais ce n'est pas le cas et que l'apprentie la trouvais suspecte, elle n'avait de toute façon aucune preuve pour avancer ses dires si elle choisissait de parler
Oh bien sur, elle aurait pu partir mais elle préférait tout de même essayer que la jeune fille la considère comme son alliée, plutôt que de prendre le risque qu'elle parle.

Ce n'était qu'elle, ou quelque chose sonnait faux... D'un peu menaçante, celle qui maintenant s'était dénommée comme Nawuelle, était passé à tout à fait inoffensive. Le contraste semblait trop gros pour passer... Le changement était venu quand Nadeko s'était déclarée apprentie. Etait-il possible que sinon elle ai subit une interrogatoire forcée, voir pire ? Des questions, mais elle n'oserait pas les poser. Il valait mieux se réjouir de ce changement d'avis, et ne rien gâcher.

" Ah, c'est pas un problème alors... Je pouvais être une rebelle ? Tu m'as soupçonné à partir du moment où j'ai dit mon âge, en quoi était-ce suspicieux ? "

Nadeko n'avait absolument pas un ton accusateur ou suspicieux, elle posait cette question innocemment, partant du fait que si elle avait été soupçonnée d'être rebelle comme le prétendait la Nawuelle, c'était pour une raison.
Mais si son ton était innocent, ses pensées ne l'étaient pas entièrement.

C'était une pièce un peu sombre et vide, mais pas inconfortable. Nadeko prit place sur un fauteuil un peu usé à la demande de son ainée. En vérité elle n'aurait su dire non à quoi que ce soit, elle était encore très mal à l'aise au fond d'elle. Elle avait presque vu sa vie défiler, et ça ne s'oublie pas

" Je comprends. Je ne sais rien sur les rebelles. Tu fais donc des enquêtes, je comprends mieux... Je suis désolée, je ne pense pas pouvoir t'aider "

Était-ce étonnant ? Non, quelle utilité pouvait avoir une gamine encore seulement apprentie ? Nadeko se méfiait encore sans le laisser paraitre, son petit doigt lui disait qu'elle n'était pas prête de sortir. Mais elle se détendit dans le fauteuil, et observa tranquillement Nawuelle. Il y avait encore un sentiment de gêne persistant : la menace qui ne pouvait avoir été oubliée, et l'apprentie qui ne pouvait pas apporter grand chose voir même qui semblait plus encombrante ici.

" Ah, c'est pas un problème alors... Je pouvais être une rebelle ? Tu m'as soupçonné à partir du moment où j'ai dit mon âge, en quoi était-ce suspicieux ? "

Ce n'était pas à cause de son age, mais du fait qu'elle n'était pas une enfant de l'école comme elle c'était imaginé, et donc ce qu'elle était venue chercher. Mais une fille plus âgée, plus mure, avec moins d'innocence qu'une enfant, qui pouvait même être alliée avec la personne qu'elle recherchait. Mais ça bien sur, elle ne pouvait le dire.

"Oh ce n'est pas vraiment à ce moment là, mais si étais une élève de cette école, tu aurais pu te demander qui était cette inconnue, or ce n'était pas le cas, donc après j'avoue que l'idée que tu sois une rebelle m'ayant reconnue m'a un eu effleuré l'esprit." Elle parlait d'un ton le plus neutre possible, banal même, comme celui que l'on emploie pour parler de la météo.

Nawuele fixait le moindre mouvement de Nadeko, afin de cerner la moindre facette de sa personnalité dans ses mouvements, manies...Et elle commençait à voir à qui elle avait à faire.


" Je comprends. Je ne sais rien sur les rebelles. Tu fais donc des enquêtes, je comprends mieux... Je suis désolée, je ne pense pas pouvoir t'aider "

Nawuele la fixait parfaitement détendue dans son fauteuil, elle se pencha légèrement en avant.

"Tu le pourrais, tout le monde peut être utile...à sa façon. Mais tu as raison de ne pas t'en mêler, étant apprentie soldat, tu as déjà suffisamment de responsabilités pour ton jeune age, garde un minimum d’insouciance..."

Elle s’arrêta brutalement et resta le regard dans le vide pendant quelques instants, comme si l'évocation du mot insouciance lui rappelait des souvenirs lointain...mais elle se ressaisit rapidement, comme à son habitude, personne ne devait entrevoir la moindre de ses faiblesses.

"Mais tu devrais faire attention à toi, Nadeko, ton physique atypique et ton nom, trahissent clairement tes origines, et crois-moi, les gens ont l’œil ici, surtout les plus véreux. "

Elle continuait de la fixer intensément, légèrement en avant, elle avait conscience qu'elle l'effrayait probablement plus que les marchants d'esclaves, mais au fond d'elle même, elle tenait quand même à la prévenir sur le danger qui ne faisait que s'accroitre, et qu'elle ne passait probablement pas inaperçu.

Se sentir observé, pénétré, jusqu' espionnée dans son propre esprit... Nadeko se sentait devenir paranoïaque. Être bloquée dans cette pièce avec une femme qui l'observait et l'obligation de ne pas montrer ses émotions sur son visage ne pouvait mener qu'à cet état. Mais était-ce de la paranoïa conditionnée, ou proche de la vérité ? Impossible de savoir, en attendant il fallait se comporter le plus normalement possible. Difficile...

" Ah oui. Je m'inquiétais seulement comme la pluie tombait et que je me perdais, je devais vite prendre contact... Normalement je suis plus réservée. "

Et combien... Mais Nadeko avait moins peur face aux adultes que face à ceux de sa propre tranche d'âge. Les adultes ne l'avaient jamais ostracisé au moins... Elle donnait l'impression de ne penser qu'à ça... non elle ne pensait pas qu'au fait d'être bouc émissaire, mais sa relation avec autrui était depuis des années compliquée, lorsqu'une personne était face à elle ce problème revenait obligatoirement à l'esprit, hors Nadeko était solitaire et passait la majorité de son temps libre sans compagnie (et relativement bien dans ces moments).

La jeune fille serra les dents en sentant peser le regarder de Nawuele. Certains osent demander qu'on cesse de les observer avec insistance, elle non, surtout pas quelqu'un de bien plus grand et fort.

" Pas pour les rebelles en tout cas. Oui, je ne dois pas m'en mêler, tu as raison. "

On en revenait à sa particularité asiatique. Elle ne sautait pas non plus aux yeux, mais pour qui se concentrait, on voyait bien qu'elle n'était pas simplement une fille qui bronzait un peu plus. Ce sujet était difficile pour Nadeko. Elle se demandait même s'il avait renforcé les discriminations à son égard, mais en doutait. Cela lui rappelait surtout qu'elle était une fille adoptée, et le sort supposé de ses parents réels. Cela demandait également de se comporter un peu différemment d'autrui, d'avoir une difficulté supplémentaire dans la vie.

" Nadeko ne... Je fais attention, mais je ne pourrais pas vivre normalement si je devais me refuser certains endroits... "


Pourquoi mettait-elle la tête en avant, pourquoi l'observait-elle si fort... Ce n'était pas normal, elle préparait quelque chose... Ou alors elle faisait simplement une expérience légèrement sadique. Nadeko tordit ses mains et amplifia sa respiration pour ne pas trembler, cette Nawuelle était clairement inquiétante. Elle ne se comportait pas comme une femme normale. L'apprentie déglutit, elle hésitait à se lever et sortir. Elle attendait seulement l'occasion. Sa peur ne pouvait échapper à l'autre maintenant, elle était observable par n'importe qui. Elle aurait souhaité qu'un souterrain s'ouvre sous elle pour lui permettre de s'échapper.
Et pourtant, Nadeko avait conscience que peut être se trompait-elle grandement, que peut être que la membre de l'exploration était simplement peu de nature à faire des efforts pour respecter la ligne d'intimité lors d'un dialogue. Et que Nawuelle était gentille au final.

" Ah oui. Je m'inquiétais seulement comme la pluie tombait et que je me perdais, je devais vite prendre contact... Normalement je suis plus réservée. "

Nawuele eut un léger sourire amusé pendant un court instant, il paraissait plutôt ironique.

Ça, je veux bien te croire, m'enfin on peut voir que la plus part des humains se prétendent réservés, mais que c'est rien que de la connerie, dans le fond, il ne veulent pas juste se faire passer pour des livres ouverts.


" Pas pour les rebelles en tout cas. Oui, je ne dois pas m'en mêler, tu as raison. "

A mesure que Nadeko lui répondait, Nawuele sentait monter la pression de la pièce, son interlocutrice était tendue, mal à l'aise. Nawuele avait l'habitude de ses réactions en sa compagnie. Elle en savait plus ou moins les raisons : Sa façon de parler, son aura et son regard mettait les gens mal à l'aise, et elle prenait un plaisir à les défier, c'était une façon de voir comment les personnes réagirait à sa "guerre psychologique"

" Pas pour les rebelles en tout cas. Oui, je ne dois pas m'en mêler, tu as raison. "

Nawuele ne répondit rien, elle détourna également son regard de la jeune fille, elle n'avait plus besoin de l'analyser, elle savait plus ou moins à qui elle avait à faire.

" Nadeko ne... Je fais attention, mais je ne pourrais pas vivre normalement si je devais me refuser certains endroits... "


"Vivre normalement...Je crois que seulement 20% de la population entre ces murs, est destinés à vivre normalement, enfin en fonction de la vie qu'ils ont choisis, car ce terme est vaste...."

Elle avait beau ne plus fixé la jeune fille, le fait que sa respiration s’amplifia, ne lui échappa pas. Elle décida donc de couper terme à la torture de la jeune fille, avant qu'elle ne tome en syncope. Elle se leva brusquement.

" Allez, je te libère, j’espère juste que tu es plus courageuse face aux titans. D'ailleurs, qu'espères-tu devenir après ta formation ?" Elle avait prononcé la phrase sur les titans d'un ton amusé, mais sa question n'en restait pas moins sérieuse, pour plusieurs raisons.

De la connerie... Nadeko avait été clairement critiquée, car elle était incluse dans cette "connerie". Bon, la plupart des humains était eux même inclus, elle était ainsi partiellement excusée. Évidemment que Nadeko ne voulait pas être comme un livre ouvert... avant même d'être dans les bataillons elle n'était pas du genre à donner des efforts pour aller vers autrui, elle préférait que ce soit les autres qui en fassent, plutôt solitaire. Les gens réservés pour elle, n'avaient rien d'idiot, ils ne voulaient peut être pas être un livre ouvert pour ne pas être jugés par ceux qui ont tendance à juger trop facilement et ne pas montrer qu'ils n'étaient pas très intéressés par les hobby d'autrui.
Elle ne comprenait pas ce qui était censément de la connerie dans ce comportement commun, c'est pourquoi elle resta muette à cette réponse.

Finalement Nawuelle sembla enfin détacher son regard d'elle, quand la pression était trop forte. Nadeko se fit plus hésitante. Si la soldate de l'exploration ne la poussait plus à bout, elle ne trouverait plus le courage de partir, c'était un savant équilibre. Mais la femme intimidante reprit la parole.
Elle voulait dire que la vie n'était pas "normale" ici. De quel normal parlait-on finalement, en effet c'était vaste... Dans ce monde un peu hostile tout le monde courait des risques, il y avait des titans à l'extérieur et des criminels et désaxés à l'intérieur, vivre normalement c'était peut être... risquer sa vie, voilà. Nawuelle voulait-elle dire que seuls 20 % vivent en sécurité, ou voulait-elle dire pire encore. Peut être voulait-elle dire que même Nadeko n'aurait pas droit à une vie avec seulement quelques dangers, mais qu'elle risquait fort de mourir comme 80 % des personnes.

" Mais tu me conseillerais de faire quoi ? De prendre un faux prénom, de sortir peu en ville ? "

Et là brusquement, coup de théâtre. La lunatique soldate la laissait partir. Elle ne savait plus si elle devait s'en réjouir, après tout ça, Nadeko avait l'impression d'être passée de l'intimidation abusive au mépris excessif. C'était comme lui donner l'impression qu'elle était gênante puis qu'elle était indigne d'attention. Comme s'en servir comme un jouet. C'était toujours mieux que les divers scénarios qu'elle avait craint au moment d'être amenée devant la maison vide : assassinée, capturée puis vendue à des esclavagistes, torturée par une maniaque, voir violée (elle ne savait même pas si ce genre de choses se faisait entre filles).
Mais il y avait autre chose : la remarque moqueuse sur les titans. Celle là était embarrassante, car Nadeko n'avait simplement jamais voulu affronter des titans. Elle n'était pas dans les brigades d'apprentis pour ça, elle espérait même pouvoir les quitter avant la fin, dés qu'elle aurait réglé son problème. Bien sûr, nul ne saurait jamais ce vilain secret.

" On ne nous forme pas contre les humains... Je pense à la garnison, mais j'ai du promettre à mes parents les Spéciales pour m'engager "

Nadeko sous-entendait par là qu'elle n'était bien sûr pas apte aux Brigades Spéciales. Elle n'était pas plus médiocre que la moyenne de ceux qui s'engageaient, la majorité d'entre eux finissaient par abandonner voir mourir avant la fin. Alors faire partie des dix meilleures...

Bien que Nawuelle se soit levée, la jeune apprentie resta sur place, étrangement. Elle n'osait, ou ne voulait pas encore partir, apparemment.

" Mais tu me conseillerais de faire quoi ? De prendre un faux prénom, de sortir peu en ville ? "

Nawuele hésita un court instant avant de répondre...elle aurait voulu lui répondre de ne pas renier qui elle est, de vivre avec son véritable nom et en être fier si il le mérité. Mais elle avait elle même changé son nom de famille, elle avait renié le nom de sa famille qui lui était si chère pour se protéger, et passer inaperçu aux yeux de ses ennemies qui lui étaient encore inconnus, mais surtout pour agir comme bon lui semble. Mais elle était certaine d'une chose...

" Ne renonce pas à ta liberté. Nous sommes déjà tous confinés derrière ces murs, alors ne te prive pas du peu de liberté qui te reste. Sois juste très vigilante."

La liberté faisait partit d'une des profondes convictions de la soldate, une chose pour laquelle elle ne renoncerait jamais.


" On ne nous forme pas contre les humains... Je pense à la garnison, mais j'ai du promettre à mes parents les Spéciales pour m'engager "


Elle sentait encore un manque de confiance dans les paroles de la jeune fille, mais surtout une contrainte dans la fin de sa phrase, voir une légère amertume.

" Mais toi tu ne le veux pas, ou tu ne penses pas pouvoir y arriver. Sache que si tu en as véritablement envie, alors tu peux pouvoir le faire, tout réside dans la volonté et la confiance. Et puis, quand on voit certains abrutis qui y sont entrés, on peut directement retirer les performances dans les critères, à toi de voir si c'est à ton avantage."

Nawuele entendait par là que la jeune fille pouvait se montrer plus maligne que ses concurrents, si elle voulait véritablement arriver à ses fins, et ne pas que s’arrêter aux performances physiques. Mais bien évidemment elle avait tourné cette phrase, d'une façon pouvant paraitre un tantinet cassant du fait qu'elle doutait de ses capacités intellectuelle, tout simplement parce que elle voulait éviter de briser la glace, ou même de paraitre chaleureuse.

Elle vit que Nadeko ne bougeait pas, alors que Nawuele lui avait bien fait comprendre qu'elle le pouvait. Lui avait-elle fait peur sur les dangers de la ville ? Ou commençait t'elle à apprécier sa compagnie...Elle ne référait pas envisager la deuxième option.
Elle tourna donc une fois la situation.

"Il est temps de partir, mes supérieurs doivent certainement attendre mon rapport sur mon travail. "

Elle ne voulait pas trop s'attarder ici, pour deux raisons : Déjà car les occupants de la maison n'allait pas tarder, et si Nadeko les voyait eux, et les réactions, elle risquait certainement de la soupçonner encore plus.
Mais surtout à continuer cette conversation, elle prenait aussi le risque que l'apprentie commence à la connaitre, elle aussi.

La réponse était dans le genre édifiant. S'assumer. Cela entrait un peu en contradiction avec l'avertissement compatissant après que Nadeko n'ait eu aucune hésitation à afficher ses origines. Mais toujours était-il qu'elle disait vrai, sans doute, s'assumer n'empêche pas d'être vigilant. La prochaine fois la jeune apprentie attendrait qu'on lui demande son nom. Pour son teint, le béret qu'elle portait retirait un peu l'attention de son teint un peu spécial.

" D'accord, je retiens le message, merci. "

Cela faisait peut être indigent intellectuellement, mais son interlocutrice ne devait pas attendre davantage qu'une fille en tout début d'adolescence et que de plus elle avait prise pour une enfant.

Tout résidait dans la volonté et la confiance disait-elle... Mais Nadeko avait-elle la volonté d'entrer dans les spéciales ? Elle voulait attirer l'attention de Grand Frère, mais celle-ci tardait... Certes, quand elle renoncerait, ou si par miracle elle y parviendrait, d'ici là (un sacré bout de temps dans tous les cas) elle aurait peut être trop de fierté pour quitter les apprentis... Pourtant il valait mieux qu'elle ose, si l'entrainement ne l'y avait pas déjà forcé, car Nadeko ne souhaitait aucunement mourir, et on en était à une période où justement les risques augmentaient considérablement... Le pire timing qu'elle ait pu choisir.

" Les spéciales, mieux vaut ne pas trop rêver, j'ai vu les précédents sélectionnés... Je n'aurais ni les capacités, ni la volonté, ni la confiance... Mais ça m'ira je pense, je mentirais à mes parents sur mes efforts donnés. "

C'était certes un peu défaitiste. Mais Nadeko n'était pas forcément plus pessimiste que d'autres, bien peu pensaient arriver aux spéciales, même si la plupart en rêvaient.

Il fallait quitter le bâtiment, alors que Nadeko avait juste reprit confiance. Pourquoi se sentait-elle ainsi maintenant ? A vouloir prolonger la conversation ? En temps normal elle aurait été ravie de pouvoir s'échapper. Elle était comme ça avec la plupart des groupes, préférant être tranquille avec elle même. Du genre pensive et imaginative, elle n'avait pas tant besoin que ça de conversations. Peut être admirait-elle un peu Nawuelle : elle aurait aimé être ainsi, intimidante, belle, confiante en elle. Cela ne voulait pas dire qu'elle appréciait Nawuelle pour autant. Elle se sentait encore trop mal à l'aise et différente.

" D'accord... Est-ce qu'il pleut encore ? "

Nadeko marcha jusqu'à la porte, sans se presser, et l'ouvrit. Oui il pleuvait encore, d'une intensité variable. Elle allait risquer d'être trempée... Il allait falloir qu'elle regagne son cheval rapidement. Tant pis pour la robe.

Elle ne voulait pas quitter tout de suite la conversation... Elle se posait d'ailleurs encore des questions sur cette intrigante soldate. Mais c'était juste quand Nawuelle créait une distance, apparemment volontaire. Nadeko la sentait déjà s'éloigner quand elle aurait aimé en savoir plus... Il fallait trouver quelque chose. Mais quoi ? Sur le moment elle ne trouvait pas. L'apprentie remit son béret et attendit de voir si la membre de l'Exploration ferait ou ajouterait quelque chose, avant tout.

" Les spéciales, mieux vaut ne pas trop rêver, j'ai vu les précédents sélectionnés... Je n'aurais ni les capacités, ni la volonté, ni la confiance... Mais ça m'ira je pense, je mentirais à mes parents sur mes efforts donnés. "

On avait tous une raison quelconque de s'engager...La plus part du temps elle était mauvaise ou c'était sous la pression familiale et l'honneur de la famille...Mais pour cette jeune fille, cela semblait être ni l'un ni l'autre...Et encore moins par ambition. Elle avait l'air d'avoir des parents qui tiennent à elle, une bonne situation familiale, aucune réelle volonté ni ambition au sein de l'armée...alors pourquoi ?

"Mais avant tout, pourquoi as-tu voulu d'engager ?"

C'était seulement une simple curiosité, mais il est vraie que Nawuele aime tout savoir de la personne en face d'elle, elle se plaisait à chercher le moindre partiel de vérités et d'informations. Mais à l'inverse, faisait tout pour qu'on en sache le moins possible sur elle, d'ailleurs personne n'avait jamais cherché à en savoir d'avantage sur elle. Mais c'est en arrivant au bataillon d'exploration que les questions ont commencé à se faire nombreuses et surtout insidieuses, ils étaient plus malins et étaient surtout plus vigilants sur les traitres.

" D'accord... Est-ce qu'il pleut encore ? "

Elle vit Nadeko avancer lentement vers la porte et l'ouvrir, et en effet il pleuvait encore. Nawuele s'avança elle aussi vers la porte et regarda la pluie tomber quelques instants.

"Oui, et en vu de l’atmosphère qui règne, je pense que l'orage ne serait tarder."

Comme à son habitude elle regarda discrètement aux alentours, c'était désert et calme, trop calme même... Elle avait un mauvais pressentiment, et commençait même à se sentir profondément observée.
Avait t-elle était suivis ? Mais si c'était le cas, par qui ? Si la personne était là pour elle, ça ne pouvait qu'être que l'ennemie qu'elle recherchait tant, ou un membre du bataillon d'exploration ayant été chargé ou non d'en savoir plus sur elle, et sa loyauté.
Mais après tout, elle ne savait pas grand chose de Nadeko, cela pouvait être aussi bien quelqu'un contre elle, elle avait peut-être elle aussi des ennemies, ou même un marchand d'esclave l'ayant repéré.
Elle hésita sur la façon dont réagir, elle ne pouvait pas paraitre trop vigilante ou sur ses gardes, ça éveillerait les soupçons de Nadeko, et celui du soldat, si ça en était un. Mais elle ne connaissait pas son ennemie, il était peut-être beaucoup plus fort, et si celui-ci l'avait enfin retrouvé, il pourrait facilement la tuer maintenant, si elle n'y préparait pas.

" Cette rue est mal fréquentée, la racaille sort à cette heure là."

En disant ça, la jeune fille ne se poserait pas de questions sur la méfiance de la Nawuele, mais elle pourrait mème remarquer des choses qui aurait pu lui échapper.

La question suffit à faire baisser la température chez Nadeko, alors qu'elle avait retrouvé quelques aises. Quand on la lui posait elle était constamment contrainte de mentir sans trop exagérer, mais là elle venait imprudemment d'éluder devant Nawuele quelques détails qui auraient pu lui servir d'excuse... Maintenant il faudrait inventer, et devant cette femme qui semblait forte pour lire en vous à vos réactions extérieures, c'était à éviter. Que dire ? Nadeko hésita quelques interminables secondes avant de répondre :

" Et bien je me suis engagée pour... des raisons trop personnelles. Je préfère ne pas en parler, désolée. "

C'était sans doute la réponse la plus censée qu'elle ai pu faire. Elle sentait que Nawuele ne s'arrêterait peut être pas là, mais elle ne la trouvait sûrement pas assez intéressante pour insister longtemps non plus.

La soldate ne se trompait pas, l'orage tomberait sans doute. C'était souvent de mauvais présage. Mais il fallait éviter de devenir superstitieuse à un tel moment. Il fallait se dépêcher de rentrer. Pressée, la jeune fille en oubliait les remarques de son ainée. Des gens potentiellement dangereux, des rues malfamées ? C'était le lot de tous, Nadeko avait plus de chance de mourir dans ses années d'entrainement, si elle continuait assez longtemps. Elle était aussi peut être un peu impatiente de se séparer de Nawuele en route, car maintenant qu'elle ne savait plus quoi dire, l'apprentie était plutôt mal à l'aise, et elle ne souhaitait pas non plus qu'on se rende compte qu'elle était peu intéressante.
Tandis que toutes deux observaient la rue, se préparant à partir, elle s’efforça donc de formuler son au revoir.

" Je pense qu'on va devoir se séparer, mais au fait... Je me disais, peut-être, est-ce qu'on pourrait... se revoir ?"

Pourquoi avait-elle hésité juste à ces instants ?! Le message risquait d'être mal interprété, elle parlait avec tant de malaise qu'on pouvait penser à une demande de rendez-vous... Nadeko avait commit une nouvelle stupidité, maladresse, et elle espérait que Nawuele ne se fasse pas d'idée sur elle ! Non, Nadeko ne trouverait jamais une once de séduction chez les femmes, et elle avait le coeur plus qu'en braise pour un garçon... Mais ça elle ne pourrait le dire.
La peur d'un quiproquo ne la fit que davantage rougir, ce qui empirait son cas, pendant qu'elle secouait la tête en lâchant :
" Non ce n'est pas ce que tu crois... Bref "

En effet ce n'était pas ça. Mais peut être Nawuele avait-elle comprit, ce que Nadeko venait tout juste de comprendre : si son coeur avait battu fort et que ses mots s'étaient embourbés pendant qu'elle parlait, c'était qu'elle craignait de ne plus voir Nawuele, pour une tout autre raison. Nadeko se sentait seule. Terriblement seule, sans se l'admettre. Elle avait besoin d'un soutien, et maintenant qu'elle connaissait quelqu'un avec qui elle avait pu discuter presque amicalement, elle voulait saisir l'occasion. Elle espérait donc que Nawuele accepte de la revoir, même pas forcément pour être amies, seulement pour ne pas pouvoir être montrée du doigt comme l’éternellement seule et avoir quelqu'un avec qui parler sans risque d'embrouille de temps en temps.

Mais comme elle venait de se taire, elle repensa aux mots de la froide soldate, et se sentit comme observée. De sa position elle remarqua la présence d'un homme dans la rue, à l'abri de la pluie sous la gouttière du haut d'un bâtiment. Quelqu'un qui normalement devrait être chez lui. Des gens louches, un peu fous, un peu bizarres, il y en avait partout, ils étaient rarement dangereux... Celui là sortait-il du lot, cela expliquait-il l'attitude bizarre de Nawuelle ?
Nadeko ajusta son béret et marcha la première. Tant qu'à s'éloigner de cette "inquiétante étrangeté", il fallait prendre le chemin le plus rapidement possible, avoir cette audace. Elle se dirigea donc dans la direction opposée, espérant que ce ne serait pas le chemin le plus long pour retrouver son cheval.

"Je vois..."

Des raisons personnelles....C'est bien dont se doutait Nawuele, en revanche elle n'avait pas vraiment d'idée de ses fameuses raisons. Sa curiosité en  fut aiguisée, peut-être Cette question avait l'air d'avoir provoqué un effet étrange chez la jeune l'apprentie...Pour Nawuele la raison la plus évidente, aurait pu être son origine Asiatique, qui lui aurait probablement causé des soucis, et contrainte à s'engager pour se protéger...mais cette suggestion semblait erronée, car la jeune fille se promenait à visage découvert, seule....et insouciante.  En songeant à se dernier mot une autre idée lui vient, mais elle semblait trop cocasse pour que cela puisse être ça. Nawuele arrêta de spéculer avec ça, elle le saurait peut-être un jour...

" Je pense qu'on va devoir se séparer, mais au fait... Je me disais, peut-être, est-ce qu'on pourrait... se revoir ?"

Nawuele se figea quelques instants...La jeune soldate désirait la revoir, comme si elle lui témoignait de l'affection, voir même un attachement. Cela fait bien longtemps qu'elle ne s'était attachée à personne, et pour cause. Ses parents, sont très chère petit frère pour qui elle avait tout donné, et la jeune recrue à qui elle s'était attachée lors de sa formation, avaient tous péris. C'est à ce moment qu'elle se rendit compte à quel point Nadeko ressemblait à cette jeune soldate : Son regard innocent, insouciant et son cœur pure. Cette jeune défunte s'était attachée à Nawuele, la considérant même comme une figure protectrice...Jusqu'à finir dévoré par un titan. Nawuele portait encore son deuil, comme elle portait celui de sa famille.

" Non ce n'est pas ce que tu crois... Bref "

Elle vit soudain que Nadeko était rouge, et visiblement très gênée. Nawuele en fut amusée...l'apprentie avait du s'imaginer que sa demande sonnait comme une demande de rendez-vous amoureux. Mais pour Nawuele cette demande sonnait plutôt comme  une peur d’être seule, un besoin d'avoir un soutien, une aide, quelqu'un sur qui reposer. Nawuele aurait voulu lui répondre que ce n'était pas une bonne idée de la choisir, que les deux dernières personnes qui comptaient sur elle avaient reçus une fin tragique, l'un égorgé, l'autre dans le ventre d'un titan.

"Oui, tu sais où me trouver."

Elle avait répondu ça d'une voix ferme. Elle prenait une fois encore un risque de s'attacher, et de devoir porter de nouveau un deuil, son cinquième. Mais son coté protectrice l'avait de nouveau remporté face à l'innocence.  Elle ne savait pas si elle allait pouvoir apporter le réconfort que la jeune fille recherche, ou même pouvoir l'aider. Pourquoi cela tombait une fois encore sur elle...

Nadeko venait de partir dehors la première, elle n'avait l'air de ne rien avoir remarqué, elle la regarda partir quelques instants, et remarqua qu'elle prenait une direction contraire de là où elle aurait du se rendre. Pourquoi ? Elle avait peut-être autre chose à faire, ou elle avait vu autre chose,  après tout. La soldate sortit elle aussi dehors, l'orage se faisait de plus en plus sentir et la pluie était toujours présente, tombant sur sa longue chevelure et son visage, mais cela ne l'avait jamais vraiment dérangé. Elle hésita à sortir son arc, elle sentait toujours cette présence la fixer, mais surtout elle hésita quels chemins prendre, devait-elle prendre le plus rapide pour rentrer ou accompagner Nadeko qui prenait un risque en rentrant seule, surtout si la personne dont elle sentait la présence était là pour elle, Nawuele n'avait d'ailleurs aucune idée des compétences de combats de la jeune fille, mais elle ne les estimait pas grandes, elle resta quelques instant devant l'entrée, la main avertie et prête à dégainer son arc dès qu'il le fallait.
Elle soupira et s'élança derrière l'apprentie devant légèrement accélérer pour la rattraper.

"Pourquoi ce chemin ? " Elle avait parlé d'une voix plus silencieuse et méfiante.

Au final elle ne s'était guère trompée. Nawuelle campait dans sa discrétion et n'insista donc pas pour connaitre son apparent "secret". Mais que ce soit elle ou une autre, Nadeko aurait tout autant perdu la face.

Ce qui était terrifiant là dedans, c'était que la soldate de l'Exploration devine par déduction que sa cadette était dans un terrible état de solitude. Etat qu'elle n'avait jusque là jamais révélé à personne. D'autant que Nadeko avait tendace à relativiser : demain cela pourrait se calmer, ou alors ce n'était pas si mal d'être seule, etc. A cet âge on est toujours plongé dans un certain déni de soit même.

" D'accord. Merci. "

Nadeko s'était efforcée de ne pas paraitre hésitante pour cacher son trouble. En réalité son poul s'était accéléré sous le soulagement avant de vite chuter à un niveau tranquille. Elle était acceptée. C'était pour elle plus qu'un soulagement, un vrai bonheur. Mais elle était encore loin d'avoir donné toute sa confiance, elle attendrait toujours le moment où un jour ou l'autre elle serait rejetée, alors ne se lâcherait jamais. Enfin, durant longtemps, très longtemps, jusqu'à ce qu'elle soit vraiment certaine d'avoir une amie.

Quelque chose de prometteur, c'était que la grande au lieu de reprendre sa route dans son coin, venait de courir derrière elle pour la rattraper. A ce moment Nadeko se souciait davantage du contexte louche, de cet homme non loin et de l'inquiétude palpable de Nawuelle. Si celle-ci l'accompagnait, elle se sentirais moins inquiète.

" Désolée. C'était pour éviter l'homme bizarre qui avait l'air de nous observer. Comme tu es avais l'air toujours... sur tes gardes, avant ça, je me questionnais. Je sais pas s'il te veux quelque chose, lui ou quelqu'un d'autre, mais je serais plus gênante qu'autre chose. "

La jeune apprentie attendit d'avoir assez contourné pour reprendre un chemin qui, si elle ne s'était pas égaré, la ménerait à sa monture.

Nawuele sentait que son approbation pour la revoir, avait l'air de la soulager, voir même de la rendre heureuse. Pour en venir à demander la compagnie d'une femme l'ayant menacée, elle devait se sentir terriblement seule. Elle se demanda pendant un court instant, pourquoi cette jeune apprentie n'allait pas chercher la compagnie auprès de ses compagnons, il devait bien y en avoir de son age et certainement des plus sympathique. Pour la soldate la jeune fille était soit trop timide pour aller vers eux, et ils l'ignoraient, ou tout simplement ils ne l’intéressaient pas.
Enfin, cette dernière option la concernait surtout elle. Cette jeune fille elle, ne paraissait pas méprisante.


Elle avait rattrapé la jeune fille à présent, et était suffisamment à sa hauteur pour pouvoir entendre sa réponse.

" Désolée. C'était pour éviter l'homme bizarre qui avait l'air de nous observer. Comme tu es avais l'air toujours... sur tes gardes, avant ça, je me questionnais. Je sais pas s'il te veux quelque chose, lui ou quelqu'un d'autre, mais je serais plus gênante qu'autre chose. "

"Oh...ça doit un être un truand, cette rue est mal fréquentée."

Nawuele eut un instant d'effroi en entendant sa réponse. Ainsi donc elle se s'était pas trompée...elles étaient bien observées. Un homme...pourrait -il être celui qu'elle recherchait tant ? Elle ne pouvait pas le laisser filer comme ça, l'occasion était trop belle. Elle jeta un rapide coup d’œil pour voir où il se trouvait, et elle pouvait distinguer sa silhouette au loin.
Elle ne savait pas si c'était un membre du bataillon d'exploration, un marchand d'esclave, celui qu'elle recherchait, ou un simple truand.
Mais si c'était l’assassin de sa famille ou même son espion, celui qu'elle traquait et qui avait détruit sa vie, qui lui as fait devenir ce qu'elle était, elle ne pouvait pas simplement partir en ayant le doute. Elle voulait l'attraper, savoir pourquoi sa famille, et surtout lui faire payer, pas le tuer tout de suite.
L'image de son frère lui revient brusquement, elle le voyait lui sourire comme si il était devant elle, sa vision devient trouble pendant un instant, et l'image de ce terrible jour lui revient.
Elle sentait son corps trembler, sa rage enfouit en elle aller atteindre son paroxysme, ainsi que d'autres sentiments profondément enfouit.
La vision toujours légèrement trouble, elle se retourna brusquement dans la direction de l'homme, sorti rapidement son arc et tira en direction de sa jambe, en poussant un cri de rage.

Ce qui arriva était tétanisant. Nadeko n'avait jamais autant cru ressembler à une statue. Tout cela était... tout cela était.... une impasse, elle ne trouvait aucune pensée quelconque pour se soustraire de sa condition de simple spectateur... Son esprit paniquait déjà autant que son corps.

Elle n'aurait su dire ce qui était le pire à ce moment. La tête de Nawuele quelques secondes plus tôt, la flèche qu'elle avait décoché ou son cri de rage, si brusque et furieux qu'il en gelait presque le sang. On aurait dit le cri d'une bête blessée, ce n'était pas du sadisme, c'était quelque chose d'autre qui ressortait, comme enfoui... Ainsi parlaient les pensées de Nadeko, saturant à toute vitesse.

Le meilleur scénario aurait été que l'homme esquive la flèche. Qu'il soit réellement doté de mauvaises intentions. Mais la flèche se planta droit dans le mollet de l'individu louche alors paralysé lui aussi. Il poussa un long cri de douleur et se retrouva plié en deux. La pluie autour continuait de tomber à verse, encore plus fort, les grondements de l'orage dissimulaient partiellement les bruits, il n'y avait aucun témoin et peut être qu'il n'y aurait aucun rameutage, qu'on penserait à de simples histoires d'ivrognes...
La capuche de l'énergumène retomba, révelant un visage mal rasé et rougeaud de rustre en fin de quarantaine. Etait-ce un simple pervers ? Alcoolique ? Fou ? Cet homme ne semblait pas aussi dangereux en comparaison à la réaction de Nawuele...
Il n'y avait pas de doute, la soldate était traquée, par qui elle ignorait, mais cela expliquait tout qu'elle ai eu raison ou qu'elle ai agit avec paranoia.

" Nawuele... Qu'est-ce que tu... "

Les lèvres de la chétive apprentie ne purent rien murmurer d'autre. Elle s'aperçu que ses propres jambes tremblaient. Que sa comparse du moment dise quelque chose, c'était tout ce dont avait besoin Nadeko, et vitalement... Car ce qui la terrorisait en ce moment était qu'elle ai frappé un innocent. Toutes les deux se retrouveraient alors dans une impasse épouvantable.
L'homme louche blessé grogna et haleta :
" Mesdemoizelle... Je voulais rien... aaaaaaiaaaa... Rien faire, c'est une... méprise, ouuuuh... J'voulais juste vous regarder.. Pitié aidez moiaaa... "

Elle saisit une main de Nawuele dans ses deux paumes. Cette main était dure et froide, de la trempe de la femme. Nadeko la serra un peu de ses main tremblantes, excerçant ainsi une forme de dissuasion, la tenant prisonnière métaphoriquement, pour la décourager de poursuivre. Car elle sentait que son ainée au sang froid pourrait l'achever... Elle pouvait prendre la phrase de cet énergumène pour un stratagème, ou pire encore l'achever pour qu'il ne parle pas. Car il avait vu le visage de Nawuele, et elle risquait désormais de graves ennuis...
Au fond d'elle, une partie de Nadeko voulait presque que cet homme soit achevé, car il décrirait sans doute leur visage aux spéciales, ce pourrait être fatale à toutes deux... Son adrénaline effaçait la plupart des remords. Mais si cet homme était achevé et qu'on les retrouvait, les conséquences seraient plus graves encore... C'est pourquoi elle serrait une main de Nawuele en espérant la dissuader de bander une nouvelle flèche.

" Nawuele... " ne parvint-elle qu'à prononcer de ses lèvres paralysées.

La vision de Nawuele était toujours trouble, si trouble qu'elle ne savait pas si elle avait atteins sa cible, des souvenirs fusaient d'une manière tellement rapide qu'elle ne savait plus ce qui se passait autour d'elle : Le jour où elle retrouva ses parents morts et qu'elle du les enterrer en cachant la vérité à son frère, quand elle s'est retrouvé avec la lourde responsabilité de l’élever, le jour où...

"Stop, reprends toi !" Songea t-elle avec insistance.

Elle sentait le brouillard devant ses yeux se dissiper progressivement , elle entendit le bruit torrentielle de la pluie, l'orage, et une voix de jeune fille lui parlant...

"Nawuele... Qu'est-ce que tu... "

Peut-être était-ce le fait d'entendre une voix humaine qui parvient à lui faire reprendre ses esprit et la libéra de sa transe. En tout cas son esprit et sa vue étaient redevenus parfaitement clairs. Son regard se tourna évidemment en premier lieu vers sa cible, elle pouvait l'apercevoir, gémir et souffrir, sa flèche avait atteint l'endroit qu'elle ciblait. Elle se concentra sur le visage de cet homme, et elle constata avec une once d’effroi qu'il n'avait rien de dangereux. C'était tout bonnement un ivrogne perdu, dont l'état d'ébriété ne faisait que diminuer depuis que sa flèche s'était invitée dans sa jambe. Elle entendit brièvement ses paroles rendus faibles par la douleur, mais elle en comprit le principal. Mais à présent elle savait le choix qui s'offrait à elle.

Elle sentit Nadeko lui prendre sa main, ce contact humain la fit tressaillir, mais lorsque elle plongea son regard dans celui de la jeune fille, elle pu voir à quel point elle était terrifiée. Elle avait du avoir une enfance aisé, et n'avait, probablement jamais assisté à scène de ce genre. Elle ne savait pas ce que l'apprentie essayait de lui faire comprendre...d'achever cet homme, de se calmer, le soigner, fuir...mais malheureusement un seul choix était possible.
Elle ne pouvait certainement pas prendre le risque de le laisser là et de se faire dénoncer, surtout qu'il avait probablement entendu d'où elles venaient, ni meme d'aller le soigner, et prendre le risque que malgré la promesse qui fera quand Nawuele le menacera pour lui faire promettre son silence, qui parle lors d'une ses soirées d'ivrogne. Elle ne pouvait le laisser vivre, il y avait trop d'enjeux. Il restait bien évidemment Nadeko qui saurait la vérité et ce dont elle est capable, mais Nawuele avait déjà la nette l'impression que ça ne l'étonnerait pas vraiment, ça ne serait qu'une cerise sur le gâteau.

"Ne regarde pas, Nadeko."

Elle sortit une nouvelle flèche, qu'elle installa sur son arc, et le banda lentement en direction du cœur de l'homme, et tira.
Elle garda le silence, et s’avança d'un pas tranquille vers l'homme maintenant mort, et repris les deux flèches, il ne fallait pas qu'on les découvre.
Elle leva un instant le visage au ciel, sentant les gouttes de pluies tomber sur son visage, prendre une vie humaine ne lui faisait plus rien, car après tout, elle n'en était pas à sa première victime.

Elle l'avait fait. Curieusement, Nadeko avait su dés le départ que cela se finirait ainsi. Quand Nawuele lui indique de ne pas regarder, la jeune fille se contenta de tourner la tête par réflexe. Elle ne savait pas si elle serait dégoûtée ou pas, elle était à la fois tiraillée par l'épouvante de voir la mort sous ses yeux et l'envie terrible de regarder. Docile et confiante sur le moment, elle choisit donc de ne pas regarder

Le silence était écrasant. La pluie continuait à goutter, s'écrasant sur la tête nue et détrempée de la soldate... désormais meurtrière. Nadeko était plus encore inquiète que ce qui venait de se produire par les secondes où son ainée restait presque figée. Elle lui ressaisit alors le bras et la tira pour l'appeler à vite se retirer. Les deux se retrouvaient maintenant en sens inverse, à filer vers la monture de l'apprentie, à près d'un demi-kilomètre de là dans le district. Ne pas se faire prendre était la priori ultime...

Quand elles furent assez éloignée après avoir trottiné un temps, l'adrénaline rechuta et le coeur de Nadeko ralentit à un rythme plus normal. Les pensées commençaient à circuler librement, plus claires. Et là, elle avait juste envie de parler, parler pour briser ce silence gênant qui ne faisait qu'étendre la sensation macabre d'un peu plus tôt.

" Je ne dirais rien de tout ça. "

Elle avait parlé avec un ton d'une totale neutralité. Elle ne paraissait pas traumatisée ni très inquiète à sa voix. En réalité, la gamine de quatorze ans était parvenue à refouler l'angoisse et le désespoir de ce qui s'était passé devant elle, mais elle ne pouvait être indifférente à la mort imprévue d'un malheureux...
En ce moment, elle aurait aussi pu craindre une toute autre chose : que Nawuele veuille l'éliminer elle aussi. Si elle avait tué cet homme avec un tel sang froid, qu'elle capable de servir son pragmatisme avec une telle insensibilité, elle ne devait pas en être à son premier mort... C'était peut être faux, mais ce fait et tout un faisceau de petits indices depuis que Nadeko avait rencontré cette femme, concouraient à rendre l'idée presque certaine. Elle n'hésiterait pas à tuer sa comparse témoin, donc... Mais cela Nadeko n'y croyait pas vraiment. Pourquoi ? Son intuition était forte à ce sujet, et puis à y réfléchir Nawuele lui avait dit de fermer les yeux... si elle pensait la tuer plus tard alors elle se serait foutue que sa cadette soit traumatisée de la vision d'un meurtre, mais là c'était bien une preuve qu'elle se souciait d'elle.

" Je pense que t'avais de bonnes raisons si tu as fait ça... Je crois. "

En dépit de cela, il avait falloir bien se comporter avec elle, histoire qu'elle ne change pas d'avis.

Lorsque la jeune apprentie lui tira le bras pour quitter cette scène de crime, la tirant une nouvelle fois de sa torpeur, elle commença à se hâter pour partir d'ici. Même si les rues étaient peu abondantes, voir déserte, se faire attraper ici à ce moment précis, serait la fin. Même si ce meurtre ne fera pas grand bruit, après tout ce n'était qu'un ivrogne mort dans une ruelle douteuse, elle espérait qu'un esprit malin n'allait pas s'interroger sur le fait de trouver une blessure à la jambe, et ensuite un autre coup fatal à la tête...cela mettrait hors jeu la querelle d'ivrogne. M'enfin, jusqu'à la, jamais elle ne s'était fait attrapé, elle tuait toujours ses victimes d'une flèche rapide en pleins cœur, mais ses meurtres restaient
occasionnels, et surtout espacés. Mais après tout, qui irait remonter jusqu'à une membre du bataillon d'exploration ?

Une fois suffisamment éloigné, elle jeta un coup d’œil à Nadeko, elle n'avait pas l'air aussi paniqué que ce que c'était imaginé Nawuele.

-"Je sais."

Elle savait très bien à présent que cette jeune fille ne dirait rien...elle donnait même l'impression de ne pas la craindre voir même de lui faire confiance. Sa prémonition, sa solitude, un instinct de survie..Peut-être un peu des ces trois éléments poussaient cette jeune fille à ne pas avoir peur, et de vouloir la revoir.


" Hum...qu'importe."

Elle avait fournit cette réponse d'un ton sans émotion, monotone...Jamais elle pourrait lui raconter son histoire, lui faire connaitre les tenant et les aboutissants, s'ouvrir à elle. D'ailleurs, à personne, ses secrets étaient profondément enraciner en elle. Naweuel était parvenue à cacher toute son histoire depuis son arrivée dans l'armée, sans jamais éveiller le moindre soupçon, quand à ses nombreuses disparitions, la plus part des membres lui imaginaient des amants cachées. Si quelqu'un remontait jusqu'à cette vérité, tout était terminé pour elle, et ce même avec cette jeune fille l'ayant pourtant vu commettre un meurtre de sang froid.

Après quelques minutes de marches, elles arrivèrent à une ruelle qui semblait plus chaleureuse et humaine. Après un bref coup d’œil, elle s'approcha d'un cheval solidement attachée. Elle ne mit pas longtemps pour savoir à qui il appartenait, elle s'avança, pour caresser doucement le naseau de sa monture, comme pour la saluer, elle avait toujours eut un lien très fort avec les animaux.

"Et bien Nadeko, il semble que nos chemins se séparent ici."

Si elle lui pardonnait son acte ? Bien sûr que non, Nadeko était humaine, bien qu'un peu égoiste, elle était l'être le plus naturel et banal qu'il soit. Et elle ne pardonnerait donc pas à un meurtrier... cependant, c'était démêlable, elle finirait bien par faire des reproches à Nawuele et demanderait des réponses, mais pas avant plusieurs mois voir années. Si elles se fréquenteraient jusque là. Dans ce monde de fou, l'apprentie pouvait en tout cas donner une chance à des meurtriers, tant que ceux ci ne paraissaient pas froncièrement mauvais. Nawuele l'avait épargné, elle n'était donc pas une sadique et ne tuait pas pour le plaisir.
Mais il y avait peut être autre chose qui motivait le choix de Nadeko... mieux valait ne pas y penser.

On était devant la monture à présent, la pluie s'était un peu calmée. Nadeko leva timidement les yeux vers son ainée. Elles ne s'étaient pas parlées depuis quelques minutes. Elle était un peu étonnée que celle ci lui fasse une telle confiance, qu'elle n'ait aucun doute qu'elle la dénonce.
Elle ne lui en voulait pas de faire tant de mystère, elle même était un livre fermé, alors elle ne s'était pas attendue à voir la soldate rester hermétique.

Nawuele semblait aimer les animaux bien plus que les humains. La monture de sa cadette l'observait avec des yeux gourmands, sentant la chaleur de ses caresses. Le canasson secouait un peu la tête, amusé par cette nouvelle humaine, quand la propriétaire l'averti et grimpa sur la selle.

" Oui, on va se séparer je crois... A bientôt. "

Finir sur cette touche de silence gêné était maussade, Nadeko ne se sentait pas à l'aise. Elle avait en tout cas apprit en ce jour : n'importe qui peut cacher en soit un monstre, même dans les héroiques bataillons d'exploration. On avait beau le lui répéter, elle y croyait sans en avoir la conviction réelle jusque là. Elle espérait aussi que ce monstre là n'en cache pas un pire encore, que Nawuele était aussi humaine qu'elle le prétendait et ne la traquerait pas pour la tuer... Car il faut dire que tant qu'il y a du mystère, l'angoisse est inéluctable, les scénarios les plus pessimistes parmi ceux possibles vous restent dans la tête...

Elle resta la regarder quelques instants, elle s'interrogea si elle avait bien fait de la laisser en vie, si cette jeune apprentie ne viendrait commencer à paniquer avec du recul, irait en parler quelqu'un si ses meurtres devenaient trop dérangent et connus...mais de toute façon il était trop tard pour changer d'avis, mais elle devrait la garder à l’œil.

Il était presque certain que la jeune fille voudrait la voir, sa solitude la contraignait, Nawuele pourrait ainsi s'apercevoir si elle devenait une menace. Si elle ne venait, elle serait bien obligé de le faire, elle en savait beaucoup trop.
D'ailleurs, ça serait la seule et unique personne à avoir un contact avec Nawuele, elle parlait à strictement personne, hormis lors des expéditions.

-" Oui, nous nous reverrons."

Elle détourna les yeux de Nadeko, elle devait elle aussi se dépêcher de rentrer si elle ne voulait pas que son absence paraisse encore une fois suspecte, surtout si le meurtre est déjà découvert. Elle songea un instant à quoi elle allait bien pouvoir s'occuper en rentrant, sans doute de la lecture comme la majeure partie du temps, ou essayer de s'entrainer, mais elle n'aimait pas rester oisive en tout cas, il fallait que son esprit sois occupé.

Elle remit sur elle son long manteau sombre, ainsi que sa capuche dissimulant son visage, elle était méconnaissable. Son arc était soigneusement dissimulé, mais toujours prêt à être dégainé en vitesse. Elle était assez renfrognée de ne pas être parvenue à son objectif principal, mais elle ce n'était pas le temps qui lui manquait.
Elle lui tourna le dos, et s'avança vers une ruelle.

" Au revoir, Nadeko."